BD : L'île au trésor

Auteurs : Stassen et Venayre
Editeur : Futuropolis

Depuis le café-restaurant où tout démarre, on observe un gigantesque chantier. Avec les palissades qui l’entourent et les vigiles farouches qui font le guet, on dirait un monde à part, une île.

D’un côté, les propriétaires de la taverne et leurs amis, de l’autre une bande de malfaiteurs menés par un homme à la jambe de bois qui prétend œuvrer pour un idéal de société, vont pénétrer ce lieu à l’accès interdit, en quête de valises remplies de billets de banque – destinées à des partis politiques - qui sont censées s’y cacher.

Sylvain Venayre, historien et spécialiste en littérature du XIXè siècle, adapte de façon surprenante  le classique de Robert Louis Stevenson, L'île au trésor, en transposant son intrigue à l’époque actuelle, dans un décor urbain. Cela pourrait sembler iconoclaste mais l’esprit d’aventure est conservé, ainsi que la réflexion autour des notions de bien et de mal. Pourtant, la liberté prise avec l’œuvre originale ne s’arrête pas là : même le jeune héros blond se voit remplacé par une petite fille noire ! Autant dire du taillé sur-mesure pour le dessinateur liégeois Jean-Philippe Stassen, qui a l’habitude de traiter des liens entre Europe et Afrique, ou encore de l’immigration.

La bibliographie de Stassen compte à ce jour deux incontournables de la BD : Le bar du vieux français (sur scénario de Denis Lapière) qui conte une histoire d’amour improbable entre deux jeunes gens en exil, issus de cultures africaines différentes ; et Deogratias, où il signe, en auteur complet, un récit bouleversant ayant comme cadre le génocide rwandais. L’île au trésor rejoint ce dernier dans son style graphique, ce qui s’avère bien évidemment splendide, toujours particulier et adéquat malgré le ton plus léger de cette histoire. Un ton léger qui contraste pourtant avec ce qu’elle raconte : un jeu de piste finalement assez sanglant. 

Une première petite réserve que j’ai à formuler par rapport à ce livre, c’est justement l’absence de réactions émotionnelles logiques face à ce qu’il convient d’appeler une tuerie. A un certain avancement du récit, l’impassibilité de la petite Jacquot m’a même semblé impossible à admettre. Une autre petite insatisfaction concerne le dénouement et l’épilogue, dont je ne dévoilerai rien ici, mais que j’ai trouvés un trop précipités. 

Une adaptation réussie néanmoins.

Chronique par Jean Alinea