Editeur : Les Humanoïdes Associés
(Pour public averti)
Au départ, dans les années 1960, Moebius, c’était juste un petit pseudo confidentiel que le dessinateur de Blueberry avait utilisé pour signer quelques courts récits dans Hara Kiri. Au milieu des années ’70, c’est ce nom que Jean Giraud adoptera définitivement pour signer l’autre versant de son oeuvre, celui où il laisse voguer son trait au gré de ses improvisations et de son imagination génératrice d'univers science-fictionnesques, psychédéliques, inédits.
Le lectorat sera d'abord dérouté par La Déviation, Le Bandard Fou, Cauchemar blanc, L’Homme est-il bon ?, Arzach (une des premières BD en couleurs directes, avec le Lycaon d’Alex Barbier) et Le Garage hermétique de Jerry Cornélius. Un ensemble de récits marquants, aujourd’hui considéré comme un tournant important dans l’évolution du "neuvième art". Certains d’entre eux n’ont pas pris une ride, d’autres, devenus un peu rébarbatifs à lire ou à l’humour vieilli, font office de témoignage d’une époque. Ce qui est indéniable, c’est que cette virtuosité, cette liberté de ton, l’inventivité des mondes, ces mises en pages dynamiques, ces reliefs rendus à grand renfort de hachures, tout cela impressionne et influence encore les nouvelles générations de créateurs d'images.
Originellement paru aux éditions du Fromage en 1974, Le Bandard Fou est un délire humoristique et grivois, dont on ne se lasse pas. Preuve en est la fréquence impressionnante de ses rééditions (en alternance : en couleur, en noir et blanc, isolé ou inclus dans une compilation. Ah, le marketing !).
Il raconte les mésaventures rocambolesques d’un anti-héros, victime d'une trique "hors saison", aux proportions indécentes. Voilà bien un affront aussi incontrôlable qu’impardonnable sur la planète Souldaï, car ce n’est qu’à l’automne qu’il faut honorer la Pondeuse ! Notre quidam, ex-vendeur de pousse-boulettes, tentera de semer la police anti-foutre, son appendice turgescent provoquera la convoitise nymphomane de Dame Kowalsky… et sera la cause d’une invasion. On remarquera au passage d’amusants clins-d’yeux aux pirates d’Astérix ou encore à Dumbo. Sans queue ni tête, tout ça ? Pas banal, en tout cas.
Ce qu’il y a de particulier aussi dans Le Bandard Fou, c’est que les planches de l’histoire ne sont imprimées que sur la droite de la double page, les pages gauches affichant une lente progression de grandes illustrations intrigantes. Comme si Moebius s’adressait en parallèle aux deux hémisphères du cerveau du lecteur pour mieux lui faire perdre ses repères. Une expérimentation auquel on se prête volontiers, mais dont on ne peut ressortir qu’halluciné. Vous voilà prévenus.
Chronique par Joachim Regout
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