Hélas

Auteurs : Spiessert & Bourhis
Editeur : Dupuis



Ce n'est pas la première fois qu'on bâtit un récit sur cette idée: et si le monde était dirigé par des animaux doués de la parole et que l'Homme n'était qu'un être inférieur à peine toléré dans la grande faune mondiale ? Spiessert et Bourhis s'emparent du sujet et l'accommodent à leur sauce.

Dans le Paris de 1910 submergé par la crue de la Seine, deux petits d'humains capturés par des braconniers atterrissent chez un trafiquant d'espèces rares. La race étant quasiment éteinte, ils sont immédiatement objets de convoitise. Hereusement, la fille du professeur de Gonzague prend rapidement la femelle sous sa garde alors qu'on l'exhibe dans une réception. Mais il est clair que la Science elle-même ne pourra la protéger et l'aider à retrouver son frère. Les cadavres s'empilent sur le chemin qui mène à la jeune Plume. Car "Plume" est bien son prénom : alors que l'opinion publique se plaisait à penser que les Hommes était incapables d'intelligence, il apparaît qu'ils sont au moins capables de la parole, ce qui jette un doute sur les raisons qui ont un jour poussé certains à les soustraire à la civilisation.

L’idée de départ est bien exploitée : une société d’animaux en tous genres pose des problèmes de coexistence auxquels Bourhis a pensé ! Le dessin de Spiessert est très stylisé et donne aux personnages des silhouettes bestiales simples mais convaincantes, du cochon au lion en passant par le singe. La couleur, aussi, donne au tout un cachet moderne qui retient l’attention. Le fait de replacer l'intrigue pendant un épisode étrange de l'histoire de Paris (la crue de la Seine) apporte de surcroît un accent poétique bigrement agréable.
Rien que ces 4 caractéristiques confèrent tout son intérêt à Hélas. Et le fait que le dénouement ait l'intelligence de ne verser ni dans le happy-end ni dans le drame total fait que la bd laisse un goût long en bouche, signe que l'histoire de Plume émeut avec finesse en ayant eu soin de titiller l’intelligence.

Chronique par Yves