BD : 100%

Auteur : Paul Pope
Editeur : Dargaud



Quand on feuillette 100%, le style graphique vous saute à la figure. C’est réaliste, mais noir, nerveux, haché, énergique. Et ça devient franchement hallucinant dans la (courte) scène de combat de boxe, vers la fin. Pope, prince de la BD underground, a pris plus de maturité depuis Heavy Liquid. Avec un tel dessin, on s’attend à trouver un univers déjanté, quelque part à la croisée de David Lynch et de Tarantino, avec une bonne lampée de AC/DC – quelque chose de radicalement neuf en BD.

Et c’est là que le bât blesse. Nous avons droit au croisement de trois histoires d’amour plus ou moins heureuses dans un futur indistinct, sur fond urbain glauque. On se demande un peu pourquoi Pope tient tant à situer ses actions dans le futur, si ce n’est pour un détail intéressant (mais qui n’apporte rien à l’intrigue) : la gastro-dance, mode débile qui fait fureur dans les discothèques, et qui permet aux heureux spectateurs d’admirer les entrailles des danseuses. Le snuff était passé de mode, il fallait bien trouver quelque chose…

L’ennui, donc, c’est qu’on a déjà vu mieux. A la croisée de l’intimité et de l’aventure futuriste, le Lupus de Peeters reste indépassé. Et pour ce qui est de la narration intimiste américaine, les frères Hernandez ont déjà été beaucoup plus loin dans leur Love and Rockets Jaime dans la tendresse et l'humour (Locas), Gilbert dans l'intensité et le tragique (Palomar city).En résumé, 100% est très loin d’être un mauvais album : il se dévore des yeux, et se lit sans ennui. Mais « sans ennui », ça ne suffit pas. On lui en veut simplement de ne pas être un album exceptionnel.
Chronique par Geoffroy d'Ursel