BD : Malcom McLaren, l'art du désastre

Je dois admettre que la première fois que j'ai entendu parler de Malcolm McLaren, c'était lors de la sortie du single Vogue de Madonna, en 1990. A l'époque je n'avais pas encore pris l'habitude de me renseigner sur tout ce que j'écoutais et j'ignorais encore qu'il était à l'origine d'un des plus grands séismes musicaux anglais des années '70 : les Sex Pistols, que j'adorais ! J'appris donc dans le même élan que la chanson de Miss Ciccone évoquait le voging, danse de la fin des seventies basée sur les poses des mannequins, déjà été popularisée par McLaren avec son titre Deep in vogue, et que ce trublion avait fabriqué de toutes pièces la bande de John Lydon et Sid Vicious.

E
nsuite, je crus surtout comprendre que le monsieur était opportuniste, un peu escroc, complètement barré, et ne le revis que quelques années plus tard faire un duo avec Catherine Deneuve. Un doute me vint : comment la grande Catherine pouvait-elle se compromettre avec un escroc notoire ? Et cherchant à en savoir plus, la réalité me parut plus complexe et plus passionnante.

C'est tout ce nuancier du personnage McLaren qu'explore la BD de Lionel Chouin (dessin), Manu Leduc et Marie Eynard (scénario). La part belle y est faite à l'époque des Pistols, donc la traversée du punk, des New York Dolls à la mort de Sid Vicious par overdose. Mais l'histoire débute par l'enfance presque sans père de Malcolm Edwards - son vrai nom - , puis son passage dans différentes écoles d'art dont il se fait immanquablement virer après ses multiples provocations. Epaulé par sa tante Rose, une avant-gardiste qui le poussera à cultiver sa différence et sa rébellion, il se forgera un idéalisme situationniste qu'il gardera très longtemps. Le couple de choc qu'il formera ensuite avec Vivienne Westwood et le magasin de fringues qu'ils ouvriront à Londres seront sa base arrière pour traverser l'épopée punk. Si faire de l'argent restera une de ses préoccupations - pour financer des films,
entre autres - on sent à quel point il s'évertuera à créer le chaos dans une Angleterre corsetée et thatchérienne. De son propre aveu, le phénomène Sex Pistols devait constituer une escroquerie provocante et destructrice.

L'
incroyable prouesse de Lionel Chouin est d'arriver à recréer l'énergie, le mouvement permanent et l'urgence créatrice de cette clique de personnages bancals, atypiques, parfois excessifs et même odieux. En dessinant à l'encre de chine, d'un trait très anguleux et grâce à des couleurs vives, voire criardes, il crée une électricité constante dans l'air. La suppression des cases accentue la fuite en avant des personnages et accélère notre lecture.  

On sort de ce livre de 200 pages ébouriffés, tourneboulés par tant de frénésie et de frasques en tout genre. Mais une tendresse sous-jacente pour McLaren est apparue. Comme celle qu'on éprouve lorsqu'on s'intéresse à Gainsbourg, autre génie provocateur, parfois horripilant mais tendre et sensible. Je sais maintenant pourquoi Catherine Deneuve a travaillé avec les deux
.

Chronique par Reynald Riclet

Malcom Mclaren L'art du désastre est publié par les éditions Futuropolis.