ESSAIS : Sexualité féminine / masculine


Sexualité féminine: vers une intimité épanouie se présente comme l'aide écrite d’une sexologue (et animatrice de groupes) pour reprendre confiance en son corps (sensations), en son cœur (émotions, sentiments) et en sa tête (libération des croyances, des peurs…). Avec une volonté de "bienveillance", les sujets y sont abordés factuellement : du désir au dégoût, du soin de soi au libertinage (et ses dangers), en passant par les charges domestiques, la notion de sacrifice et le respect de ses limites. Le livre voudrait pouvoir s’adresser à toutes mais du coup n’évite pas certaines banalités, généralités, certains poncifs de terminologie ("préparer l’Homme à pénétrer cette Déesse, ce réceptacle Sacré de son Sceptre"… voilà qui laisse deviner l'angle sous lequel sera abordé le volume consacré aux hommes).

“Si la procréation est naturelle, la sexualité ne l’est pas. Elle ne vient pas toute seule, le désir et le plaisir non plus, cela s’apprend, avec soi, avec d’autres, en appui sur nos sensations et notre imaginaire érotique, dans un contexte d’une bonne estime de soi et de croyances libres de tous tabous, jugements et peurs.”

Tout le monde s’accordera-t-il avec chaque point d’une telle affirmation, par exemple ? Nous ne le pensons pas. 

Si la biographie de Carlotta Munier présentait un parcours a priori sérieux, son livre de vulgarisation se permet une multitude d’approximations d'autant plus impardonnables qu'il s'agit ici d'une 2e édition “revue et augmentée”. On n’a pas l’impression d’en apprendre davantage que sur certains blogs et autres vlogs. Si des lectrices s’y retrouveront sans doute, d’autres, plus "classiques", n'apprécieront peut-être pas de voir leurs moeurs targuées d'"étriquées", de voir s'asséner l'absolue nécessité d'"apprendre certaines caresses et autres pratiques" et d’autres encore auront le droit de ne pas se retrouver dans les recommandations de lecture de l'auteure, telles les livres de Linda Lou Paget ou ceux de la collection Osez.

Ce livre est en somme "bienveillant" avec les femmes prêtes à sortir de leur timidité et de leur pudeur, mais renvoie maladroitement “celles qui ont un problème” à se renseigner ailleurs : “Si ce genre de pratique vous choque, vous gêne, vous dérange, vous dégoûte, allez creuser dans votre histoire et dans vos relations ce qui s’est passé, c’est la clé pour vous en affranchir et vous permettre de sortir d’une sexualité peut-être triste et étriquée, d’élargir la palette des pratiques et des positions et de partager de nouveaux plaisirs.”

Mais c’est en écrivant le tome complémentaire, Sexualité masculine : puissance et vulnérabilité, que Carlotta Munier commet ses plus grosses bourdes, que ne rattraperont pas quelques témoignages courts d’hommes invités à s’exprimer en ces pages. L’éditeur, Le Souffle d'Or, aurait gagné à confier l’écriture des deux livres à un couple de thérapeutes ou tout du moins une concertation entre un et une sexologue.

Prônant d’une part de nouvelles pistes de relations, le livre énumère tous les travers masculins, là où celui sur la femme est nettement plus conciliant. Moins de chaleur, plus de dénonciations et quantité de contradictions, comme en témoignent ces deux extraits :

"L’homme devenu consommateur (multi-activités, sport, sexe, pornographie, jeux…), n’ayant plus rien à conquérir, plus d’aventure à vivre, tourne en rond et dépérit ou devient aigri ou agressif"

"Certains hommes portent encore la honte de leur héritage, de ce que dans les siècles passés et même aujourd’hui, les hommes ont fait aux femmes et font encore. Cette violence reproduite et accumulée au cours des âges pèse lourd sur leurs épaules. Se vivant coupables et rejetants de leur propre genre, ils peuvent refouler leur énergie, devenir trop gentils, voire impuissants. Ainsi, ils rejoignent le clan féminin en se mettant à son service, en faisant tout pour faire plaisir et en s’oubliant.
(…)
C’est une étape difficile que de faire face à sa propre capacité à tuer, mais elle fonde le sentiment d’humanité car elle signe l’acceptation du principe de réalité (je peux tuer) et de sa propre mortalité (je vais mourir), de celle de la cruauté de la vie comme sa vitalité, de la souffrance et de la vulnérabilité comme de l’ivresse du vivant et de la force de l’agir.
Sachez que la femme aime le "tueur" en vous… Elle a besoin d’être rassurée par et sur votre force, votre capacité à la défendre, à défendre le foyer, à défendre des valeurs.
La femme désire donc celui qui est fort, qui protège, qui est solide, mais également celui auquel elle se “soumet”, s’abandonne (sans se départir de sa propre identité) du moins à sa puissance, y compris sexuelle. Ainsi, elle peut déployer sa propre puissance. La femme prenant davantage la responsabilité de sa sexualité a besoin d’un homme qui, lui aussi, l’assume, non pas en tant que prédateur, mais en tant qu’être possédant cette autre part, pénétrant mais non moins sensible, qui créera avec elle cette copénétration, gage de partage et de plaisir, pour le moins."

Et de consacrer tout un chapitre à l’éloge de certains hommes qui “aiment prendre leur temps, savourer le plaisir de sens, de sensations, la volupté, la sensualité. C’est parce qu’ils ont reconnu et accepté leur vulnérabilité qu’ils le peuvent. Ils sont sortis d’une vision mécanique et mécaniste de la sexualité masculine et ont accédé à une forme bien plus épanouissante que le registre “plan cul”, prostitution, pornographie ou marteau-piqueur."

La fin de l’ouvrage propose une énumération de ce que l’homme d’aujourd’hui et de demain devrait être. En somme à la fois un guerrier pacifiste, vulnérable et qui met sa force au service de projets, un homme moins égoïste et qui accepte les imperfections du monde, un homme qui fait "l’amour à une déesse"… Au final, on sent ici davantage la femme qui s’exprime que la thérapeute et nous doutons que le lecteur ayant acheté ce livre s’attendait à une sorte de manifeste féministe, aussi légitime soient plusieurs points de ce propos. 

A l’heure de revendications de sortir des codes, de revendiquer nos spécificités, n’est-il pas demandé ici à l’homme de se conformer à des attentes d’une nouvelle “normalité”, un nouveau canon qui saurait équilibrer les attentes paradoxales ?

La question à laquelle l'auteure semblait vouloir répondre, "Pourquoi la sexualité est-elle si compliquée aujourd’hui ?", restera entière.

Chronique collective de la rédaction Asteline