S'il est évident que le bio est passible de se perdre et est loin de résoudre tous les problèmes, il n’est pas non plus question ici de croire qu’on va changer le monde en cultivant en prime son jardin, en suivant des stages nature inutilement chers ou qu’on pourra toujours éviter les supermarchés. Trouver un équilibre entre les étiquettes, un rythme de vie en accord avec la notion de partage, une joie dans la modération, voilà ce qui semble ressortir de cette lecture. Se responsabiliser en tant qu’individu, oui, mais pas non plus sans se préoccuper du rôle éminent de l’Etat, de l’Europe, des collectivités et des structures sociales traditionnelles dans les questions alimentaires et écologiques.
A titre d’exemple frappant, un chapitre aborde la question de l’énorme marché international du miel, qui semble aujourd’hui aussi opaque que tous les marchés de minerais. La définition réglementaire du miel est fondée sur sa composition moléculaire en sucres… alors que la logique, pour juger de sa qualité, voudrait qu’on se base sur le contenu enzymatique et microbiologique. Outre les "miels" (nutritivement plus près de la pâte de sucre) bons marchés non-originaires d’Europe, la pression de traders pour des pratiques de récolte contestables, trop d'apiculteurs nourrissent leurs abeilles avec de la saccharose au printemps et avec du glucose à l’automne pour s’assurer une bonne production, parfois sans passer par le butinage des fleurs.
“Toute bio qu’elle serait, l’agriculture continuera d’accroître son emprise sur les milieux naturels, les détruisant, les uns après les autres.” L’idéal serait de promouvoir les agro-écosystèmes fondés sur la polyculture-élevage à petite échelle. Et puis surtout… “La solution, on la connaît : il faut tout diminuer, toute notre consommation, pas seulement la viande. Moins se chauffer, moins se déplacer, moins manger. Changer notre mode de vie.” (Benoît Daviron, chercheur en économie politique au Centre de coopération internationale pour la recherche agronomique et le développement)