POESIE : Du cloître à la place publique

L'envieux brasse et boit,
La douleur d'autrui il la conçoit 
Sans la connaître ni la sentir.
Quand il voit  qu'un autre ne peut nuire
Qu'à lui-même en premier,
Il répugne tellement à ce que son sort s'améliore
Qu'à son dommage il consent
Plutôt qu'aux autres il fasse mauvais présent.
Envie, tel prouva bien
Qui tu es, ouvertement,
Qui consentit  à perdre un oeil par contrat
A condition qu'en perdît  deux son copain.



Extrait du Miserere, par "le reclus de Molliens", qu'on retrouve dans l'anthologie Du cloître à la place publique. Ce recueil, paru au format poche aux éditions Gallimard, réunit non seulement de remarquables poèmes médiévaux (XIIe - XIIIe siècle) du nord de la France, mais ces écrits en langue d'oïl bénéficient d'une traduction en un français contemporain. Un travail d'adaptation titanesque, inédit et qui permet de découvrir une richesse et une diversité littéraire insoupçonnée. On est déjà loin de poèmes lyriques ultra-codifiés de l'amour courtois (des seigneurs féodaux du sud de la France).