Editeur : Gallimard
Deux
camions, cinq personnes, un convoi de vivres et de vêtements d'une ONG
française part vers la Bosnie pendant la guerre de Yougoslavie. Une
mission comme il y en a eu beaucoup, menée par des volontaires aux
personnalités variées. La vision que nous en donne ici Jean-Christophe
Rufin est bien plus intérieure que la cabine des véhicules usés
transportant l'aide aux démunis. Il oriente ici le regard dans la
direction des motivations, des blessures, des illusions et des errances
tant des "humanitaires" que des acteurs de la guerre, tant des soldats
que des victimes.
Dans les camions, cinq personnes se
connaissant sans se connaître, tentant de déterminer leur rôle dans
l'équipée au fil des kilomètres poussiéreux et de plus en plus isolés.
Une femme, quatre hommes. Deux anciens militaires de l'ONU, Marc et
Alex. Le chef de mission, Lionel. Le mécano, Vauthier. Et puis Maud, qui
a du mal à gérer sa féminité. Entre eux, des non-dits. Une tension
croissante à mesure qu'ils croisent les check points. Des suspicions.
Jusqu'à ce que se révèle le secret et se modifient les réelles
intentions de ce convoi.
Qu'est-ce qui pousse une
personne à s'engager dans l'humanitaire ? Quel est son chemin ? Son
identité ? Son dessein profond ? Que cherche-t-elle ? C'est l'envers du
décor que propose ce roman, se greffant sur une trame aux allures
d'intrigue à suspense, d'attirances instinctives, de quête de sens. Les
motivations profondes se montrent au jour, le plus souvent dans la
douleur ou la violence.
Et la guerre, dans tout ça ?
Qu'est-ce qu'elle signifie ? Comment s'y situer ? Quelles sont les
contingences économiques, sociales, culturelles du conflit? Evidemment,
ce n'est pas ce roman qui va l'expliquer... mais il déblaie de tout
idéal romantique la réalité d'une mission d'ONG. Au point d'en
questionner le sens, de remettre en perspective sa rencontre des réels
besoins des "victimes". Tout en brassant les thèmes ô combien éternels
de jalousie, de frustration, de haine et de vengeance.
Rufin
place son histoire plus de vingt ans en arrière, l'humanitaire ayant
sans doute, grâce aux moyens technologiques, changé de visage
aujourd'hui, ne permettant plus de mettre en scène aussi facilement ces
questions fondamentales. Mais quelle trame plus appropriée à ce récit
qu'une guerre fratricide où le voisin ou l'ami de tant d'années devient
l'ennemi du jour au lendemain?
Pas de manichéisme dans ce roman-là.
Chronique par Virginie