Editeur : Casterman
Ce 13e album de Corto Maltèse - mais premier à ne pas être réalisé
par son créateur, l'italien Hugo Pratt (1927-1995) - nous emmène dans le Grand
Nord. Nous sommes en 1915. A la demande de l’écrivain et ami Jack
London, notre héros part pour le Canada et l’Alaska, où il lui faudra remettre une
missive importante à une charismatique opposante à la traite des
blanches. Un périple où s’entremêleront comme d’habitude des faits
historiques authentiques (ici le sort des inuits, la prospection pétrolière, l'industrialisation...), une chasse au trésor et des personnages hauts en
couleur qui traduisent tant la folie des Hommes que la beauté de
l’amitié.
On le sait, les reprises qui magnifient l’oeuvre de
départ font plutôt figure d’exception. D’habitude, ce serait plutôt
l’inverse. Et puis il y a quelques exemples “neutres” - comme c'est le
cas ici -, sans aucune prise de risque mais bien assurés. C’est ce que
semblent viser de plus en plus souvent les “gestionnaires de partimoine”
que sont devenus les éditeurs : “optimiser les ventes d’une série-phare
du catalogue” par une reprise, une nouveauté qui ménage la chèvre (les
ayants-droits exigeants) et le chou (le fan de base, qui va se laisser
prendre au jeu marketing).
Sous le soleil de minuit ne marquera probablement pas les esprits
comme ont pu le faire les aventures précédentes de Corto. Rubén Pellejero (dessinateur des excellents Le
silence de Malka, Tabou ou Un peu de fumée bleue) et Juan Díaz Canales
(scénariste de Blacksad) se plient très respectueusement au style du
créateur originel, en apportant à peine leur touche personnelle et en
sacrifiant ce qui fait la force d’autres de leurs oeuvres. Bref,
ils nous fournissent un “produit dérivé” tout juste satisfaisant. Pas de
quoi s’enthousiasmer en refermant le livre, d'autant que l'histoire est assez confuse.
Au risque de s’attirer les foudres des puristes, n'est-il pas été
préférable de laisser plusieurs auteurs se réapproprier librement un
personnage ? Le système des Spirou par… a bien permis l’éclosion d'un
chef-d’oeuvre comme Le journal d’un ingénu, par exemple. Imaginons un
instant Corto reprendre la mer sous le pinceau d’Edmond Baudoin. On sent
déjà la bouffée d’iode. Et de l’espace pour le temps qui s’écoule… cet
élément si fondamentalement “prattien” que le duo Pellejero-Canales
semble avoir parfois omis dans leur exercice de mimétisme.
Mais on peut aussi imaginer une utopie : c'est que tout le monde lui foute la paix, à Corto. Car finalement, n’est-ce pas cette envie que laisse continuellement transparaître ce beau marin libertaire ? Ceux qui l’ont accompagné dans ses périples savent que tout ce ramdam marketing et médiatique ne serait pas de son goût. Malgré son charisme, il ne semble pas aspirer à l'immortalité.
Mais on peut aussi imaginer une utopie : c'est que tout le monde lui foute la paix, à Corto. Car finalement, n’est-ce pas cette envie que laisse continuellement transparaître ce beau marin libertaire ? Ceux qui l’ont accompagné dans ses périples savent que tout ce ramdam marketing et médiatique ne serait pas de son goût. Malgré son charisme, il ne semble pas aspirer à l'immortalité.