BD : Je t'aime ma chatte


Auteur : Sfar
Editeur : Delcourt

On peut tantôt être admiratifs de certains livres de Joann Sfar, tantôt rebutés par sa surproduction.

S’il déprime et n’est pas inspiré, ni lui-même, ni son éditeur ne semblent y voir un frein à la fabrication d’un livre : Sfar remplit des pages qui font état de son passage à vide ou, s’il n’en a pas envie, recopie à l’arrache une série de tableaux de maîtres. Le tout fera l’objet d’un nouveau tome épais des Carnets de Joann Sfar qui se vendra de toutes façons sur base de son simple nom. Pendant ce temps-là, des milliers d'ouvrages peineront à trouver une visibilité, que pourtant certains mériteraient amplement. 


A la lecture de Je t'aime ma chatte, il y a en effet de quoi être encore plus dubitatifs qu'avec Carnet de merde : hormis certaines pages relatant des conversations, il faut tout de même être pathologiquement fan de Joann Sfar et ne rien avoir d’autre à faire (ou travailler comme chroniqueur(s)) pour se taper 224 pages d’errances mondaines, sentimentales et dépressives de l’artiste. Ah mais c’est que Sfar a prévu des arguments imparables : ceci serait en fait un livre adressé à son grand Amour qu’il n’a pas encore rencontré et qui pourrait le consoler de ses peines de coeur passées (y’a pas à dire, c’est plus classe comme annonce que passer par Meetic). Et parfois c’est un Dieu en lequel il ne croit pas trop qu’il interpelle. Bref, si vous n’êtes ni - potentiellement - la première, ni le Second, passez votre chemin !

Extrait représentatif de l’esprit de l’ensemble : “Oui, Houellebecq a raison lorsqu’il pointe la tristesse de ces âmes solitaires au coeur des grandes villes. Je suis une victime idéale pour Houellebecq ou pour les rabbins ou pour les pères Noël barbus. Lorsque je passe mes nuits seul chez moi avec mon ex-femme qui vit à huit cents mètres avec mes enfants. Lorsque je chiale toutes les nuits en songeant à la fille que j’aime qui après m’avoir fait lanterner façon soeur Anne est retournée en courant chez le mari : Tu sais quoi, Moïse, Jésus, Mahomet, Houellebecq, j’ai eu un accident de vie. Après trente ans d’un mariage heureux. Après un an d’un amour passionnel et si je prie Dieu, c’est seulement pour rêver que cette idiote retrouve assez de soleil pour courir vers moi. Tu sais quoi, Dieu ? Je ne déteste ni mes larmes ni mes blessures. J’ai vécu librement jusqu’ici, en inventant chaque jour comment j’allais avancer. Ca me va. Ne pas savoir où est le bonheur mais cheminer vers lui. Je me répète, mais ô ennemis de ma liberté, allez vous faire foutre.”

Si son bagage d’ex-étudiant en philo a pu transparaître intelligemment dans une part de sa bibliographie, l’auteur ne semble jamais avare non plus en considérations futiles et régressives.

Monsieur Sfar, un peu d’auto-présélection avant de destiner vos pages à la publication, svp.

Chronique collective de la rédaction Asteline