BD : Avant l’heure du tigre

Auteurs : Collignon et Greiner
Editeur : Glénat


Avant l’heure du tigre, sous-titré La Voie Malraux (en référence à son premier roman, La Voie royale, en 1930), retrace un méfait de jeunesse notoire du grand intellectuel français. Mais c’est au travers de celle qui deviendra son épouse qu’on suit le récit : Clara Goldschmidt. Jeune traductrice cultivée, c’est elle qui transmettra à son amant sa passion pour l’art khmer. Pour éviter le déshonneur sur la famille de Clara, les tourtereaux annonceront un mariage qu’ils n’envisagent pas comme durable. Ruiné par de mauvais placements boursiers, ayant une aversion du travail mais un goût pour l’aventure, André Malraux convaincra sa belle (de manière peu orthodoxe) de vendre ses diamants pour financer une expédition aux temples d’Angkor. Il envisage d’y dérober des bas reliefs pour les revendre à des collectionneurs américains, se persuadant par la même occasion tirer de l’oubli des trésors oubliés de civilisations ancestrales. Clara protestera tout d’abord, estimant qu’il s’agit de pillage, tout en étant évidemment également très attirée par ce voyage dont elle rêve depuis si longtemps. La splendeur des vieilles pierres dans la jungle dépassera tout ce qu’elle a pu imaginer. La méfiance policière apportera quant à elle son lot de suspense dans cette épopée exotique qui ne s'achèvera pas comme prévu. 

Si Virginie Greiner et Daphné Collignon semblent partager une admiration pour cette femme qui s’émancipe dans le Paris et se risque dans le Cambodge des années 1920, elles ne font en outre pas de concessions flatteuses envers le personnage masculin. On peine même à trouver des qualités à ce jeune homme pédant, machiste et voyou… qui deviendra pourtant plus tard l’auteur de La Condition humaine (1933), le militant antifasciste et le ministre de la Culture que l’on sait.

Daphné Collignon nous avait habitués ces dernières années à davantage d’audace graphique. On la retrouve ici avec un trait crayonné ou encré de facture plus classique (m’évoquant souvent Christian Cailleaux, dessinateur de R97 - Les hommes à terre entre autres), mais pleinement au service de l’histoire. Seules les scènes oniriques de Clara, qui viennent ponctuer les chapitres, rappellent la veine plus personnelle de Coelacanthes ou Sirène.

Un récit de voyage mythique, plaisant à lire dans cette bande dessinée de 168 pages en noir et blanc élégant.

Chronique par Joachim