Editeur : Gallimard
On
connaît David Foenkinos* pour ses romans sonnant comme des comédies
douces amères, teintées d'un humour gentiment impertinent, et le voilà
dans un livre-hommage, mettant en musique sa passion pour la jeune
peintre juive - et trop oubliée - Charlotte Salomon. Chemins de la jeune
artiste et de l'auteur se croisent, se frôlent, se mêlent, et c'est
l'histoire du peuple juif sous le régime nazi qui jaillit au-delà de
cette rencontre, comme des ondes à la surface de l'eau.
Issue
d'une famille sur laquelle semble avoir toujours plané la malédiction
du suicide, Charlotte grandit dans le mensonge, l'introversion et la
solitude. La créativité bouillonne en elle mais lorsqu'arrive l'âge de
lui laisser libre cours, Hitler est déjà au pouvoir et les portes se
ferment de plus en plus aux "personnes de sa race". Souffrant de
l'humiliation et de l'exclusion, son caractère opiniâtre la mène
pourtant sur les bancs de l'académie. Mais la répression tisse sa toile
et Charlotte devra se résoudre à fuir vers la France, laissant derrière
elle sa famille et son amour pour Alfred, le professeur de chant.
Ce
livre rempli de pauses et de pose, dont les phrases ne dépassent jamais
la ligne, a remporté, en 2014, le prix Renaudot, ainsi que le prix
Goncourt des Lycéens. C'est ainsi qu'il serait écrit, dit l'auteur.
Scandant ainsi son roman, lui donnant un rythme parsemé d'arrêts et de
respirations. Passant à la ligne chaque instant comme si chacun avait la
même importance que le précédent.
Gallimard le propose
aujourd'hui en livre audio, lu par Yves Heck. Si ce dernier respecte
scrupuleusement la musique stylistique du roman et les pauses après
chaque phrase, on regrette certaines maladresses lorsqu'il s'approprie
les accents des personnages étrangers (choix qui ne semble pas toujours
avoir du sens).
On reste dans la curieuse balade d'un
écrivain derrière sa passion subite et irrationnelle pour une artiste
(indéniablement intéressante par son parcours et son œuvre) décédée aux
camps, sans pour autant se sentir complètement happé. Mais, il faut le
reconnaître, ce roman est touchant et appréciable.
Chronique par Virginie
* cf. nos chroniques à propos d'autres livres du même auteur :