Editeur : Rue de
Sèvres
Sur notre continent, Jiro Taniguchi fait désormais figure de "classique du manga", principalement remarqué pour ses
one-shots, romans graphiques contemplatifs, lents, voire souvent
empreints de nostalgie : L’homme qui marche, Le gourmet solitaire,
Quartier lointain, L’orme du Caucase, L’homme de la toundra, Le journal
de mon père… ou, plus récemment, Les Gardiens du Louvre, un titre en couleurs, mais selon nous malheureusement peu inspiré et assez pauvre en matière de
dialogues (qui n'ont jamais été son fort) et sur lequel je ne m'attarderai donc
pas.
L’impression est fréquente que si les personnages de l’auteur
rencontrent des difficultés liées aux cycles, aux défis de la nature ou à
des décisions douloureuses, leurs relations semblent particulièrement
harmonieuses, encrés dans le respect des traditions. A la longue, on peut d’ailleurs
parfois se lasser de cette idéalisation d’un certain Japon, celui
d’autrefois surtout, mais quand le livre est réussi - et c’est le cas de
Elle s’appelait Tomoji -, on savoure cet humanisme apaisant, l’émotion
que dégagent les protagonistes à la grande noblesse de cœur et
pleinement conscients de leur environnement.
Oeuvre sans prise de
risque, cet ouvrage-ci - co-scénarisé par Miwako Ogihara - n’en constitue pas moins une belle synthèse de ce
style qui a fait connaître Taniguchi chez nous… à la différence qu’il
dresse pour une fois non pas le parcours d’un homme, mais bien celui
d’une femme. Une femme charismatique ayant réellement existé et à l'initiative de laquelle un temple bouddhiste fût construit dans la région de Tokyo. Ce
manga biographique s’attarde exclusivement sur la jeunesse de Tomoji : une vie rurale et pauvre, la
perte de proches, des conditions de travail rudes, un gigantesque
tremblement de terre, la rencontre de l’amour…
autant d'expériences de vie qui ont façonné sa personnalité spirituelle.
Joies et peines sont
dépeintes avec une grande pureté, une grande maîtrise. Lecture
délicate, méditative.
Chronique par Jean Alinea