Editeur : Dargaud
(A lire dès 6 ANS)
Pour ceux qui
l’ignorent encore, Fred (1931-2013) était le créateur des aventures surréalistes de Philémon, mais aussi de “one-shots” tout aussi absurdes, poétiques et touchants,
tels Le corbac aux baskets ou L’histoire du conteur électrique, pour
n’en citer que mes deux préférés. Il reste aussi dans les mémoires par
ses détournements absolument géniaux des codes narratifs de la bande
dessinée.
Cythère, l’apprentie sorcière est en revanche une œuvre mineure dans sa bibliographie… ce qui ne signifie pas
“inintéressante” pour autant. Fred semblait ici avoir pris sous son aile
des éléments éculés du conte pour enfants pour les transformer avec son
style inimitable : la chaumière isolée, des volatiles noirs, la jeune
fille rousse, la grand-mère sorcière vêtue de noir, portant un chapeau
pointu, ne se déplaçant pas sans son balai volant… Tous ces clichés
faisaient raisonner en ce singulier dessinateur de nouvelles situations
abracadabrantes. S’il réserva ses trouvailles les plus originales pour Philémon, ses sujets de prédilection sont là (l’arbre, le corbeau, le
soleil, la lune, le gendarme, le paysan, le marionnettiste…), ainsi que
son trait faussement maladroit,
sans oublier le charme de ses dialogues entre personnages naïfs et
bourrus.
On suit, non sans plaisir, la jeune Cythère dans ses
dix leçons de magie, appliquées de manière inattendue. Ces histoires
courtes, créées à l’origine (1978) en noir et blanc, pour les besoins du
journal de jeunesse Pif, bénéficient aujourd’hui d’une mise en couleur
judicieuse signée Isabelle Cochet.
Cette nouvelle édition se
clôt d’autre part par une rareté, offerte en bonus : un mini-récit qui
comporte quelques similitudes avec Cythère, intitulé La Voiture du
clair de lune et qui fut chanté par Jacques Dutronc. Une collaboration
supplémentaire entre les deux artistes, Fred ayant précédemment déjà
composé quelques textes pour le chanteur, parmi lesquels le tube Le
fond de l’air est frais.
Une BD un peu datée, parfois un peu creuse*, mais charmante.
Ce qu’illustre parfaitement cet extrait :
“- C’est gentil un fantôme, Grand-Mère…
- Oui, ma fille… Ils sont vides mais ont un bon fond.”
Recommandé seulement aux inconditionnels de Fred… ou de sorcières.
Chronique par Joachim Regout