Editeur : Casterman
Magasin Général, c'est le plaisir de transmettre l'amour des gens simples, qui savent s’entendre et s’entraider malgré leurs divergences, leurs grandes différences de caractère, de mœurs, de foi, de génération, de gueules, de vices, etc. C'est la reconstitution d'un petit monde idéal sans trop d'idéalisation, qui s'améliore au gré des cycles naturels, de l’amour, de la mort. Pas de suspense trépidant, mais pas de mièvrerie non plus. Et puis il y a la contribution linguistique de Jimmy Beaulieu qui parvient à rendre tout le sel du patois local.
Neuf tomes à la généreuse pagination (le dernier fait plus de 100 planches), ça peut toutefois paraître fort long pour ne finalement tourner qu'autour de la vie quotidienne de personnages dans un décor bucolique. Ca l'est effectivement souvent et c'est le seul reproche qu'on puisse lui faire. Si cette série possède autant de charme, c'est parce qu'elle nous éveille un peu plus aux merveilles de la nature, à l'empathie et à la tolérance... tout cela bien entendu grâce à l'efficacité du graphisme de Régis Loisel, toujours au sommet de son art, que la patte de Jean-Louis Tripp vient affiner, adoucir, et que les
couleurs de François Lapierre viennent rehausser de splendides
atmosphères.
Un autre tour de force de la saga Magasin Général est qu'elle réussit à être plus québécoise que si
elle avait été réalisée par des québécois d’origine. Un peu comme le cinéaste américain
James Ivory à qui l'on doit ces films "so british" que sont A room with a view (1985) ou Remains of the day (1993).
Chronique par Joachim Regout
* Pour ceux qui l'ignoreraient encore, Régis Loisel est le co-créateur de l'incontournable saga La Quête de l'Oiseau du Temps, avec Serge Le Tendre au scénario, et de la série Peter Pan, dans laquelle il réutilise très librement les personnages de James Matthew Barrie.
Quant à Jean-Louis Tripp, son dessin efficace a surtout été révélé dans une comédie décapante écrite par Didier Tronchet, d'abord intitulée Le Nouveau Jean-Claude (2 tomes chez Albin Michel) et rebaptisée Pizza Warrior (pour l'édition en intégrale, chez Glénat).