Editeur : Casterman
Hiver
1914. La Première Guerre mondiale commence à fissurer l'Europe et à
étendre son lot de misères, de morts et de peur. En plus des conflits
armés, ce sont les conditions météorologiques qui déstabilisent le
peuple et les soldats, les fragilisant de façon dramatique.
Attachée
à ses techniques traditionnelles de combat, la France devra pourtant se
résoudre à accepter cette mission folle et ingénieuse proposée par le
capitaine Moufflot : faire revenir 400 chiens de traineau depuis Nome,
en Alaska afin de réinvestir les régions montagneuses enneigées de façon
plus efficace.
Dans ce premier tome, on voit Moufflot
perdre son bataillon de chasseurs alpins au cœur des Vosges, lui-même
étant grièvement blessé au point d'être déclaré comme décédé à son
épouse. Fait prisonnier par l'ennemi, il s'échappe après avoir été
soigné et rejoint l'état-major avec son projet en tête.
Basée
sur une période de l'histoire initialement classée secrète, cette
aventure de chiens esquimaux au sein du conflit est remise au goût du
jour par l'actualité. Arte en a d'ailleurs fait un reportage et cette bande dessinée en propose une
vision un peu romancée. Quelques changements de noms et accroches
dramatiques supplémentaires (captures, blessures, romances et trahisons)
en font un récit soutenu et intéressant à lire. Le graphisme et la mise
en page restent assez conventionnels mais on notera une mise en couleur
tout à fait adaptée au propos.
Cette tranche de
l'histoire est effectivement surprenante et permet de mettre l'accent
sur l'esprit astucieux et aventureux de quelques hommes, à une époque
où l'armée et ses habitudes s'embourbent dans une impasse stratégique.
Le personnage de Moufflot, quant à lui, est loin d'être attachant :
increvable et jusqu'au-boutiste, certes, mais aussi violent, égoïste et
machiste (voire misogyne).
L'album est agrémenté de
quelques planches du second tome et d'un dossier en fin d'ouvrage : on y
découvre l'aventure des "vrais" héros de l'Histoire (dont les noms
d'origine sont assez semblables à ceux des personnages de fiction, nous
rappelant ainsi la proximité entre les deux), documents d'époque et
photos à l'appui.
L'année 2014 aura été le terreau d'un
grand nombre de rétrospectives, documentaires, fictions et
commémorations. Si la graine d'inspiration des Poilus d'Alaska est
effectivement attractive, son traitement de qualité, on garde
l'impression que, parfois, l'aspect "basé sur une histoire vraie" ne
suffit pas à en faire un récit d'une grande originalité. L'attrait
tiendra surtout dans la documentation fouillée, la justesse du texte, et
d'avoir eu le mérite de revenir sur une tranche méconnue de la Grande Guerre.
Chronique par Virginie