ROMAN : Le génie des coïncidences

Auteur : Ironmonger
Editeur : Stock


Pour certains, le chemin de vie ne tient qu'à un bout de pain et une mouette. Parce que rien n'arrive sans raison. Pour d'autres, tout sera un simple jeu de coïncidences survenues sans Volonté Suprême pour les guider. Ce livre est celui de la confrontation entre l'incontrôlable hasard et la poigne ferme du destin.

Thomas Post, maître de conférences dans une université londonienne, est justement un expert en coïncidences et chercheur dans le domaine philosophique du déterminisme. Il fait la connaissance d'Azalea Lewis, elle-même enseignante, jeune femme victime d'événements dramatiques où les coïncidences revêtent une sombre forme de fatalité. Venue le consulter pour l'aider à démêler les fils tortueux de son existence, elle l'entraînera sur les curieuses étapes qui ont jalonné son histoire. Déjà celle de leur rencontre : projetés l'un contre l'autre dans un accident d'escalator, fallait-il qu'ils se trouvent, au même endroit au même moment, dans les couloirs d'un métro bondé. De la petite île de Man en mer d'Irlande vers une mission au cœur de l'Ouganda, la route d'Azalea Lewis n'aurait jamais été guidée que par des circonstances qu'elle pense attribuables à une force supérieure... Thomas croit davantage en l'aléatoire. Deux visions du monde à confronter, mesurer et vivre surtout. Croyances et certitudes de l'un et l'autre seront bien entendu chamboulées.

Ce roman offre une belle idée de départ, en tapis à cette réflexion philosophique sur le hasard - thème qui a déjà fait couler pas mal d'encre dans le monde littéraire (on pense notamment au New-Yorkais Paul Auster). Il met également en lumière le contexte social et politique de l'Ouganda au début des années '90 et surtout les crimes de la LRA et de son leader Joseph Kony. Prédicateur fou et armé, ce dernier a kidnappé des milliers d'enfants pour en faire des soldats, mutilant ceux qui s'y opposaient et violant les jeunes filles. Encore recherché aujourd'hui, Kony a laissé derrière lui nombreux estropiés et familles endeuillées.

Le génie des coïncidences pourrait donc faire un roman idéal pour les lecteurs exigeants s'il tenait sa promesse en alliant mystères, pamphlet social et réflexions philosophiques pointues. Mais malgré une lecture fluide et suffisamment prenante, ce livre reste un peu trop en périphérie de lui-même, se drapant en cours de route d'un tissu romantique moyennement crédible. On sent la mise en place d'une structure destinée avant tout à laisser la place à la digression, à une présentation du déterminisme (ou pré-déterminisme), quelques réflexions sur le hasard, etc. La partie ougandaise tient un peu plus la route, de même que l'entame initiale de l'histoire, avec les prémisses du parcours d'Azalea. J.W. Ironmonger n'est par contre pas un maître dans l'art du dialogue et n'évite pas certains clichés. Les éclaircissements de l'intrigue s'annoncent également un peu trop tôt (et trop facilement).

Reste néanmoins un récit tout à fait agréable, non dénué d'humour, sinuant dans son contenu et sa qualité entre des moments plus faibles ou plus forts, même si manquant d'un peu de profondeur et de vraisemblance. Pour les anglophones curieux, le site à découvrir : www.thecoincidenceauthority.com où chacun peut, comme dans le roman, déposer ses coïncidences et prédictions afin d'élaborer quelques statistiques sur l'intervention ou non d'une force extérieure...

Chronique par Virginie