Editeur : Futuropolis
Inspiré
par les impressions de voyage de la reporter-photographe Agnès
Montanari, Ugo Bertotti dresse une succession de récits qui se veulent
l’écho du quotidien oppressant et des espoirs des femmes au Yémen,
obligées de porter le niqab, voile qui couvre intégralement le visage de
la femme (sauf les yeux). Quelques voix féminines tentent de se faire
entendre pour améliorer leur sort, dans un cadre de vie régulé par des
valeurs machistes ou des traditions ancestrales profondément iniques.
Notons à titre d’exemple qu’une veuve qui travaille seule pour sa survie
est considérée au même titre qu’une putain.
Dénoncer tout
bafouement des droits humains est indispensable. En revanche, on a
malheureusement l’impression que l’auteur enfonce ici des portes
ouvertes et offre un regard distancié sur ces vécus, par un dessin, des
cadrages et une narration où l’émotion transparaît peu.
Le
passage le plus marquant est sans doute ce court chapitre contant la
légende de Rub’ Al Khali, avant l’avènement de l’Islam au Yémen, qui
explique l’effacement du corps féminin dans l’espace public.
L’onirisme
de cette séquence semble libérer quelque peu le dessin de Bertotti, qui,
autrement, décrit des situations sans approche originale, ni rendu de
la beauté de certains décors et des femmes.
Il ressort finalement de
tout ça une impression terne… que vient rattraper de justesse l’épilogue
d’Agnès Montanari, renforcée de très beaux portraits photographiques,
pleins de vie et quelques lignes qui traduisent les impressions de la
reporter, mais aussi celles de femmes du Yémen :
"Ici, les hommes ne
sont pas habitués à voir les femmes le visage découvert et nous, nous
nous sentons mal à l’aise. Cela n’a rien à voir avec la religion."
A une
époque où les amalgames sur "l’arabe" et l’Islam vont bon train, une
phrase comme celle-là apporte une nuance indispensable.
Dénoncer les
dérives dans “la culture de l’autre” est chose délicate, et ne peut se
faire qu’en respectant et prônant sa différence. Peu de lecteurs
savent qu’il existe une essence du Coran très ouverte (comme en témoignent les textes de Rûmi et la sagesse soufie, par exemple) qui n’a
strictement rien à voir avec la bigoterie ou l’islamisme intégriste.
Chronique par Jean Alinea