Editeur : Paquet
Le mexicain Tony Sandoval (né en 1973) se taille progressivement une
belle réputation avec son graphisme qu’on pourrait qualifier
d’improbable mariage entre l’esthétique "jeunesse", celle du film
d’horreur et celle de la musique métal. Le contraste entre de jolis
minois innocents, adolescents ou femmes-enfants, et des éléments
cauchemardesques, voire gores, s’avère saisissant. Une autre
caractéristique dans ses bandes dessinées se joue dans l’alternance des
techniques, non seulement comme différenciateur temporel, mais aussi
pour renforcer certaines sensations : nos yeux passent ainsi de
cases crayonnées à d’autres à l’encrage fin, de la mise en couleur
directe à des aplats sobres ou du noir et blanc.
L’éditeur,
Pierre Paquet, mise beaucoup et depuis le début sur le travail singulier
de Sandoval, au point de publier toute la production de l’artiste... et
de lui proposer un scénario personnel au passage (Un regard par-dessus
l’épaule, 2010). Mais si le dessinateur est virtuose et inventif (dans
le style et la narration), ses récits sont plus inégaux… En
attestent les facultatifs Gris (2010), Les bêtises de Xinophixerox
(2011) et Les Echos Invisibles T.1 (avec Grazia La Padula, 2011).
Pour prendre sa bibliographie par le bon bout, je ne saurais que trop recommander ces ouvrages-ci en premier lieu :
Le cadavre et le Sofa (2007)
La
rencontre avec la belle et ténébreuse Sophie aurait pu augurer des
vacances d’été sous le signe de la légèreté pour Polo, si toutefois la
découverte du cadavre d’un enfant n’était pas venu s’adjoindre à l’émoi
amoureux.
On ressort de cette lecture marqué (un peu sonné) par
l’originalité de la mise en page, le grand écart entre les aspects
enfantins et adultes, les variations de graphismes, leur expressivité…
Le cadavre et le Sofa révéla véritablement le talent de Sandoval aux
bédéphiles et contient déjà tous ses thèmes de prédilection : le passage
de l’enfance à l’âge adulte, les émois amoureux, les jalousies ou
encore la mort.
Nocturno (2008-2009) – Intégrale
Existant en
deux tomes dans sa première édition, la bande dessinée la plus aboutie à
ce jour de Tony Sandoval est aujourd’hui rééditée en un seul (240 pages
environ), avec une nouvelle couverture (souple mais plus belle) et
quelques bonus.
Seck est un ado traumatisé par la perte de ses
parents et un quotidien de bouc-émissaire dans la maison de son oncle…
jusqu’au jour où une figure squelettique prétendant être son défunt père
l’incite à s’enfuir. Répondant à l’invitation d’un ami d’enfance et
guitariste à six doigts, Seck rejoint un groupe de hard rock. Il dévoile
au grand jour sa voix ravageuse, qui envoûte le public, le coeur de
Karen - belle journaliste - et le lecteur également.
Sandoval manie brillament l’art de la métaphore onirique pour partager les ressentis de ses personnages, notamment quand le chant du héros prend la forme d’un impressionnant monstre marin. Le parcours de Seck ne s’arrête bien évidemment pas là, confronté à la jalousie, l’injustice et sa propre face sombre, Nocturno (cagoulé de noir comme un luchadores mexicain).
Sandoval manie brillament l’art de la métaphore onirique pour partager les ressentis de ses personnages, notamment quand le chant du héros prend la forme d’un impressionnant monstre marin. Le parcours de Seck ne s’arrête bien évidemment pas là, confronté à la jalousie, l’injustice et sa propre face sombre, Nocturno (cagoulé de noir comme un luchadores mexicain).
Sans l’égaler, Doomboy (2012) renouera quelque peu avec la veine Nocturno, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Avec
Le Serpent d’eau (2014), Sandoval nous offre un chef-d’oeuvre
graphique, sans toutefois beaucoup se renouveler. La trame du scénario évoque des mangas de seconde zone, mais lui permet de
pousser à la perfection son art des ambiances ésotériques à faire froid
dans le dos et des (très) jeunes filles belles à se damner. Les images
subjuguent, parsemées de jolies trouvailles graphiques.
Malgré la minceur de l'intrigue, le "public averti" se prendra à ce jeu onirico-gothique et se laissera très probablement envoûter avec plaisir.
Malgré la minceur de l'intrigue, le "public averti" se prendra à ce jeu onirico-gothique et se laissera très probablement envoûter avec plaisir.