Editeur : Les Impressions Nouvelles
Christophe
Leclaire vit dans la clandestinité en Asie du Sud-est. Après Insolvable
(Flammarion, 2011), il signe avec La charité des prédateurs un manifeste d'indignation au texte
coup de poing, qui ne laisse pas indifférent et qui appelle les citoyens
à saisir la liberté qu'il leur reste pour refuser la progression sans
résistance d'une "mondialisation esclavagiste et criminelle".
Pourquoi un essai sous forme de lettre ouverte à l'Abbé Pierre ? Parce que l'auteur lui
voue autant d'admiration qu'il lui adresse de reproches d'avoir été trop
sincèrement naïf, "fantassin médiatique", serrant trop de mains de
"prédateurs". Certes, le regretté "frère des pauvres" n'a plus droit de réponse, mais c'est finalement davantage à nos propres bonnes consciences politiquement correctes que s'adresse ce texte bouleversant. Extrait :
"Je sais qu'il est d'usage, mon
cher Henri, après un tableau sombre mais hélas bien lucide, d'écrire
quelques lignes réconfortantes en un petit chapitre du genre "solutions
pour demain et raisons d'espérer". Ne comptez pas sur moi pour
jouer à ce jeu sociétal de pure forme, ce gimmick consensuel qui n'est,
bien trop souvent, qu'une diversion de plus du Système. L'espoir
ne passe pas par des petits arrangements avec le libéralisme, par des
microcombines alternatives dérisoires (mais très lucratives pour
certains) et des bricolages qui donnent l'illusion de faire quelque
chose.
L'espoir est une force active qui est au coeur de l'homme,
dans sa capacité spirituelle à agir en conscience, individuellement
d'abord, puis collectivement, et donc politiquement, à dire non à ce qui
n'est pas acceptable, et le sera de moins en moins, et à se trouver
lui-même dans la lutte pour sa dignité. Il n'est plus temps de
mettre de la crème solaire bio sur des plaques de mélanomes, des
emplâtres festifs ou faussement savants sur des gangrènes puantes. L'espoir est dans la liberté que nous avons encore de ne pas obéir à ce qui nous tue.
Cette
aventure incroyable que je vis chaque jour m'a fait grandir, tu vois,
depuis les petites confessions plaintives de mon enfance bourgeoise, et
depuis mes prières d'adulte qui voulait "réussir". Elle m'a fait
regarder les hommes tels qu'ils sont réellement, sous l'emprise de
l'argent qui ne leur suffit jamais.
Sur ce parcours initiatique, je rencontre certains êtres humains qui sont comme moi d'une pauvreté, mais qui ont dans leurs yeux et leur coeur plus de conscience et d'intelligence de la vie qu'aucun homme politique ou financier d'aujourd'hui ne pourra jamais s'en offrir. Cela ne s'achète pas. Ils peuvent se payer des corps ou le travail des pauvres - morbide satisfaction -, mais la grâce de cette plénitude, cette beauté, ils ne la possèderont jamais."
Sur ce parcours initiatique, je rencontre certains êtres humains qui sont comme moi d'une pauvreté, mais qui ont dans leurs yeux et leur coeur plus de conscience et d'intelligence de la vie qu'aucun homme politique ou financier d'aujourd'hui ne pourra jamais s'en offrir. Cela ne s'achète pas. Ils peuvent se payer des corps ou le travail des pauvres - morbide satisfaction -, mais la grâce de cette plénitude, cette beauté, ils ne la possèderont jamais."
On ressent de l'amertume, oui, mais aussi beaucoup de pertinence et de saines colères dans ce livre. Remuons-nous de toute urgence !
Chronique collective de la rédaction Asteline