Editeur : Mardaga
"Face aux changements remarquables de notre société, comment la production du logement a-t-elle évolué ?" Comment allier design
innovant, gain de place, confort, convivialité, baisse de consommation
énergétique et coûts de fabrication diminués ? Un ouvrage sur les
questions cruciales des "grands" architectes me laissait espérer une
présentation de réalisations exceptionnelles, des tendances d'avenir
vraiment porteuses, des utopies qui font rêver... mais ô rage, ô
désespoir...
Si je n'ai rien à redire sur le travail des auteurs Monique Eleb et
Philippe Simon, qui établissent un constat objectif bien structuré,
ponctué d'arguments d'architectes, ni sur la ligne graphique du livre,
aux pages harmonieusement aérées de photos et de plans, j'ai déchanté
face à ces évolutions 1995-2012 du logement urbain.
Malheureusement, on sait que la course aux marges bénéficiaires
accrues prévaut sur le sens esthétique (même quand il est question de
"beau béton"), avec pour résultat des constructions certes
ergonomiquement repensées, mais minimalistes et froides, ressemblant à
des meubles Ikea géants. Sur un plan, en maquette 3D ou à l'état neuf et
photographié par météo clémente, certaines bâtisses peuvent encore
sembler relativement classieuses, mais je ne donne pas cher de leur
lustre quelques années d'usure plus tard et par le temps maussade
fréquent en nos contrées.
La convivialité sociale étudiée depuis les bureaux d'architectes a
pour moi souvent autant de potentiel chaleureux que le bureau glacial de
mon banquier ou les couloirs stériles d'hôpitaux. Et ce ne sont pas
quelques îlots de nature cloîtrée et sans charme qui me rendent
sympathiques les nouveaux agenceurs d'espaces urbains. Ces "Schieven
architekten" (petite expression bruxelloise que je ressuscite de sa
désuétude et dont vous trouverez sans mal le sens via un moteur de
recherche) sont-ils à ce point aveugles face à l'admiration que
suscitent des styles affectionnés par le public en mal de beauté, qu'ils
soient prestigieux (comme l'Art Nouveau) ou populaires (certains
quartiers ouvriers d'antan étant pris d'assaut par une clientèle bobo) ?
L'espace urbain "revu et corrigé de manière contemporaine" n'a de "
mieux-vivre ensemble" que l'argument marketing et de pouvoir "stocker"
la population en limitant les désagréments. Je doute que cela invite au
respect et à la cordialité.
Chronique par Jean Alinea