Après
le splendide triptyque Pour l'Empire de Vivès et Merwan, le péplum se
voit une nouvelle fois revisité de manière insoupçonnée, novatrice et
provoquante par Sol Heiss (scénario), Laureline Mattiussi (dessins) et
Isabelle Merlet (couleurs).
Cette fine équipe créative nous
emmène au 1er siècle avant JC., dans les bas-fonds de Subure, quartier
pauvre au coeur de Rome à l'ère où la peste fait des ravages, où gueules
cassées et hommes fous, crimes odieux et orgies décadentes se côtoyent
et s'étendent jusque dans les luxueuses pentes de l'Aventin. Sexe et
violence tournent au grotesque, à l'irréel. Les scènes comme le langage
sont crus. Très crus. Vous voilà prévenus.
La "Lionne", c'est la
prostituée la plus convoitée de Rome et un sacré tempérament. Accusée du
meurtre du consul à qui elle avait été louée, la belle va prendre la
poudre d'escampette avec l'aide de Samuel, un jeune juif qui lui inspire
confiance. Au début de ce second volet, dans un paysage composé de
vastes étendues apocalyptiques, ponctuées de ruines grandioses, leur
chemin croise celui d'un vieux cavalier, en piteux état, qui prétend
être Caïus Julius César, compté pour mort depuis de nombreuses années.
Défiant les dieux, l'homme solitaire ambitionne de relever Rome et
reconstruire l’Empire d’antan. Au même moment, dans la capitale, le
poète Catulle veille sur l'enfant de la "Lionne" pendant que cette
dernière est ardemment recherchée de toutes parts.
Le graphisme
dépouillé et dynamique de Laureline Mattiussi (à situer entre Gipi et Christophe Gaultier, voire Mardon ou Blain) ne dévoile sa richesse d'évocation qu'à la
lecture de ce récit excessif et captivant. Les curieuses couleurs d'Isabelle Merlet, avec
ces aplats très tranchés et audacieux, alternent au gré des sensations à
faire passer, parfois indépendamment de toute logique. C'est psychédélique,
tout en préservant la fluidité de narration.
Si les amateurs de leçon
d'histoire romancée, avec ses folies guerrières et ses cruels jeux de
pouvoir, le tout traité de manière "réaliste", se tourneront vers la série Murena de Dufaux et
Delaby, La Lionne devrait en revanche combler ceux qui seraient ouverts à une vision hallucinée et un peu anachronique de l'antiquité - que
n'aurait sans doute pas renié Fellini. A confirmer à parution du troisième et dernier
tome.
Chronique par Jean Alinea