Editeur : Dupuis
Daphné Collignon, illustratrice très sollicitée pour des livres de
jeunesse ou des couvertures de romans, nous invite à nouveau dans son
univers le plus personnel, celui qu'elle développe dans ses bandes
dessinées en solo. On retrouve ses dessins jouant magnifiquement des
contrastes, ses belles femmes qui se ressemblent entre elles, ses textes
en monologues poétiques, parfois décousus... tout cela formant un
équilibre narratif aussi esthétique que fragile.
Moins hermétique
que les deux tomes de Coelacanthes (parus chez Vents d'Ouest), le
"one-shot" Sirène semble pourtant constitué d'une démarche artistique
similaire et pourrait même en être une forme de suite. On y retrouve
effectivement le prénom de Magda, la chanteuse qui évoque la femme-poisson, des
physionomies semblables, la dualité et la quête identitaire féminine...
Autant
d'obsessions récurrentes transposées ici dans un tout autre contexte,
plus chaud, puisque la protagoniste cherche au Maroc le père de l'enfant
qu'elle porte. Au gré de son voyage, elle conscientise que pour un
homme, assumer un bébé hors mariage avec une étrangère est invivable en
ces contrées. Les tortures psychologiques de Magda sur les questions de la maternité vont se refléter au travers d'une rencontre avec une autre jeune femme, muette, lui ressemblant étrangement (hormis la couleur de cheveux).
Pas de "solide scénario" ici, mais un
récit initiatique et d'introspection, servi par un graphisme superbe,
sensuel. Le public sensible à la
période filmographique abstraite de Lynch, aux beaux-arts ou à la poésie
apprécieront. Pour les esprits les plus cartésiens, l'approche de ce type de romans graphiques "psychologiques" et "arty" sera plus difficile... mais ouvrira peut-être leur perception de ce que peut aussi véhiculer la bande dessinée.
Chronique par Joachim