Editeur : Actes Sud - L'An 2
Pour
traiter de la voiture, de ses dangers, de l'impact de ses lobbys sur la
logistique humaine, des dérives de comportement inconsciemment (et
hypocritement) induits chez l'automobiliste, le britannique Woodrow
Phoenix a réalisé une bande dessinée sans aucun visage humain
représenté.
Nous sommes en caméra subjective. En noir et blanc. Que des visions de routes, de panneaux, de marquages au sol et autres symboles de signalisation. On évolue dans un paysage sinistré puisque n'y figurent même pas d'autres automobilistes. En revanche, au fil de la conduite, le narrateur nous fait part de ses réflexions bien documentées. On frôle l'essai philosophique et on frissonne à la lecture de certaines statistiques. Le lecteur réalise aussi l'absurdité engendrée par une vision de société pensée pour la voiture, au détriment du temps de parcours ou de la sécurité du piéton.
Nous sommes en caméra subjective. En noir et blanc. Que des visions de routes, de panneaux, de marquages au sol et autres symboles de signalisation. On évolue dans un paysage sinistré puisque n'y figurent même pas d'autres automobilistes. En revanche, au fil de la conduite, le narrateur nous fait part de ses réflexions bien documentées. On frôle l'essai philosophique et on frissonne à la lecture de certaines statistiques. Le lecteur réalise aussi l'absurdité engendrée par une vision de société pensée pour la voiture, au détriment du temps de parcours ou de la sécurité du piéton.
Extrait :
"La
rage de la route, ça n'existe pas. Ce n'est pas un syndrome. Pas une
maladie moderne. (...) Rien qu'une laide frustration humaine. Encouragée
par des idées inexpugnables de réalisation de soi à travers la conduite
rapide. Bassement flattée par la publicité. Portée à ébullition par une
incapacité à s'accomoder des limites qu'impose la réalité. Choyée et
magnifiée à l'intérieur de chambres d'isolation luxueuses."
ou encore :
"Les
conducteurs commencent à voir leur voiture comme leur coquille. Comme
un exosquelette. Des extensions du corps. Une deuxième peau. Ils peuvent
s'énerver si un étranger touche cette extension de leur personne. Même
s'il ne laisse aucune marque. (...) Mais votre voiture n'a pas de
terminaisons nerveuses. Elle ne distingue pas le soleil de la pluie.
Elle ne sait pas qui la conduit. Elle ne vous connaît pas. Elle se fiche
bien du petit nom que vous lui avez donné. Vous n'êtes pas relié à
votre voiture. (...) Maintenu assis par votre ceinture de sécurité, avec
un airbag caché devant vous, invisible et silencieux, qui attend le
moment où il faudrait se déployer, vous ressemblez plutôt à un oeuf
fraîchement pondu, à l'intéreur de sa boîte moulée sur mesure. Vous êtes
plutôt le centre très mou d'un bonbon très dur."
Si le procédé
de l'auteur est très original, le graphisme fluide et conceptuel, cet
ouvrage de près de 200 pages souffre toutefois inévitablement de quelques
longueurs... ce qui n'enlève rien à son mérite.
Chronique par Jean Alinea
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