BD : Missy


Auteurs : Paluku, Rivière et Svart
Editeur : La Boîte à Bulles


Missy, c'est une bombe ! Aussi captivante et envoûtante que provocante, aussi passionnante et désirée qu'esseulée, elle a en commun avec la bombe l'explosivité et la forme ronde. Et son explosion, c'est sur la scène du cabaret où elle se dénude chaque soir qu'elle a lieu. Transis, les hommes se mettent à genoux et font la queue pour obtenir ses faveurs... Mais Missy cherche quelque chose qui dure plus qu'un soir... Les strass et paillettes évaporées, elle se retrouve dans la solitude de son spleen, délaissée et consciente de n'être aimée que pour ce qu'elle offre de son corps chaque soir... Alors un jour, lasse d’être l'objet des hommes et manipulée par Dud, son manager, elle décide de radicalement changer sa vie en entamant un régime.

Cette histoire est bien évidemment touchante, prenant les tripes du lecteur en jouant sur les sentiments mais jamais sans pathos. Avec intelligence et sensibilité, Benoît Rivière donne vie et consistance à un personnage qui était en longue gestation dans l’esprit d’Hallain Paluku.

Ce jeune dessinateur congolais nous offre une créature sublime inspirée de quelque image africaine et mâtinée de Bottero. Les formes rondes de son héroïne sont exaltantes et enivrantes, mais le tout est surtout une belle surprise graphique globale par le choix représentatif choisi. Les personnages n'ont pas de visages ! Ce qui pourrait dérouter le lecteur est en fait une fabuleuse idée qui, tout en identifiant avec précision chaque protagoniste, permet aussi une identification de chacun au personnage de son choix. Car le tout fonctionne de façon empathique par la grâce de l'écriture de Benoît Rivière

Une écriture qui démontre que la force narrative peut subjuguer le dessin et donner une dimension particulière à ce dernier. Celui-ci nous découpe donc des pages intenses, surtout les muettes, comme les cinq premières qui mettent rapidement dans l'ambiance et nous font comprendre la détresse de Missy... Mais ce trio magique n’avait pas fini de nous étonner et le choix des couleurs de Svart venait couronner le tout... Ambiance de cabaret, avec ce velours spécifique, bien épais, mais aussi les variations de teintes qui ponctuent idéalement les émotions de l'héroïne. Et en particulier ces choix de basculer dans le noir et blanc aux moments intenses...

J'ai cependant à déplorer le graphisme de certaines onomatopées (le "Missy" de la dernière case de la page 7 me paraît faiblard, pour ne citer qu'un exemple).

Mon deuxième reproche, c'est peut-être à La Boîte à Bulles que je l'adresse... Car quitte à jouer la carte de l'ovni graphique, il fallait peut-être la jouer jusqu’au bout... En donnant un format peut-être plus grand, pour mieux plonger le lecteur dans ce dessin et ces planches superbes.

Enfin, et là, c'est au niveau du scénario, je pense qu'il manque des pages... Oui... Ca se lit vite et alors que l'on est mis impeccablement en condition au début de l'album, il y a une sorte d'accélération qui dessert le récit en fin d’album... Si on assiste au désespoir de Missy, on perçoit tout autant la grande force de caractère que nécessite - je l'imagine - son métier, ainsi que sa détermination lorsqu'elle attaque son régime ou quand elle en vient aux mains avec certaines de ses collègues... Alors ce basculement rapide, cet effondrement, s'il est bien le pendant de ce dernier paroxysme, est un poil trop décontenançant... Mais mon exigence se fait trop pointilleuse car il s'agit tout de même d'un très, très bon album.

Un album qui parle d’amour et qui, malgré l'environnement dans lequel le récit se développe, sait éviter les pièges de la vulgarité et de la facilité. J'espère que les lecteurs sauront l'apprécier... J'ai aimé Missy depuis le premier jour, elle me manque déjà...


Chronique par Coacho