ROMAN : Octobre solitaire

Auteur : Stephen Marlowe
Editeur : Folio



Edgar Allan Poe fait partie de ces artistes ayant couru après la reconnaissance toute leur vie. Même s’il connut une certaine célébrité de son vivant, son caractère trempé, caustique – surtout en tant que chroniqueur – et sa tendance à l’alcoolisme lui ont souvent fermé des portes, le laissant sans emploi et dans un  dénuement financier presque constant.

Début Octobre 1849, il débarque à Baltimore mais "disparait" pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’il soit retrouvé dans une taverne par un ami éditeur, dans un état comateux, complètement dépenaillé. Il décèdera peu de temps après, sans jamais avoir repris conscience. Plusieurs hypothèses ont circulé, à la fois sur les événements survenus pendant cette période "d’absence", mais aussi sur les causes de sa mort.

C’est de ces fameux jours que Stephen Marlowe fait la trame de son récit, mêlant les époques, la réalité et la fiction, pour révéler la personnalité brusque, exigeante, intraitable, orgueilleuse et sensible de cet écrivain torturé qui ne faisait que rarement entrer l’espoir dans ses contes, nouvelles et poèmes.

Dans une structure décousue, schizophrénique et hallucinée qui fait fortement penser au cinéma de David Lynch, Marlowe s’offre le plaisir d’user de l’univers et des personnages de Poe pour venir habiter et recréer la « conscience » de ce dernier alors qu’il s’approche de la grande fin. Ce sont aussi les souvenirs et les questionnements qui prendront leur place, la relation douloureuse avec sa jeune épouse (et cousine) Virginia, qui mourra à 24 ans des suites de la phtisie. Entre errances et ancrages, Poe tentera longtemps de faire accepter son non-conformisme littéraire (même s’il se montrera parfois opportuniste dans son parcours) et devra se contenter d’un succès d’estime teinté de méfiance et de jugement.

Il fascinait, pourtant, et fascine toujours, que ce soit par sa personnalité ou les thématiques qu’il a abordées. Marlowe dresse un vrai/faux portrait empli de contrastes, d’obscurités et de lumières, de folie et de clairvoyance aiguë, nous donnant bien sûr l’envie de nous replonger dans Le Corbeau, Double assassinat dans la Rue Morgue  ou Descente dans le Maelström.

Habile et passionnant.

Chronique par Virginie