BD : Le Pape Terrible - T02 : Jules II

Auteurs : Jodorowsky, Theo
Editeur : Delcourt


Il suffit d'énumérer ses séries récentes pour comprendre qu’à quatre-vingt-deux ans, Alexandro Jodorowsky reste une bête de travail : Ogregod, Final Incal, Sang Royal, Showman Killer… ainsi que celle dont il est question dans le présent article. Et un nouveau cycle du Bouncer en préparation ! Il y a de quoi donner le vertige ! Et dire que la bande dessinée n’est qu’une partie des activités de ce touche-à-tout incroyable (essais, romans, théâtre, poésie, peinture, projets de films…)

Le tome 4 de Borgia (chez Drugstore), brillamment mis en images par Manara, clôture quant à lui cette série "historique" de manière tragique et excessive... ce qui est bien sûr cohérent suite à la montée en puissance de la folie belliqueuse de cette famille italienne tristement notoire du XVe siècle. Mais si les albums antérieurs prenaient le temps de présenter les différents membres, ce dénouement, à l’inverse, semble précipité, manque de subtilité. Une semi-déception mais pour une demi-fin. En effet, on se console avec l’existence d’un nouveau cycle, intitulé Le Pape Terrible, un triptyque consacré au pape Jules II, dont deux tomes sont déjà parus (aux éditions Delcourt, cette fois, et dessinée par Theo).

Pour ceux qui ne seraient pas encore familiers avec l'oeuvre de Jodorowsky, ne vous attendez pas à de la rigueur historique et cartésienne, même si on sent l’auteur maître de son sujet. Il s’agit ici d’une réinterprétaton théâtrale, grotesque, orgiaque et parfois sanguinolente. Un récit tel que le cinéma ne pourrait pas (ou plus) en produire, pour des questions de budget et de diffusion. On imagine en effet sans peine les levées massives de boucliers de la censure. Grâce au support livresque et à une représentation graphique splendide, les auteurs peuvent se permettre d’aller plusieurs crans plus loin, d’user – et abuser - de scènes dépravées et violentes pour faire ressentir au lecteur les dysfonctionnement psychologiques pouvant mener hommes (et femmes) à sombrer dans les abus de pouvoir, le crime à grande échelle et à entretenir les haines.

On peut néanmoins regretter l’absence de limites de Jodo dans certaines scènes frôlant le ridicule, desservant quelquefois l’intention de départ. Il manque aussi aux dialogues une diversification de niveaux de langage (tous parlent avec un style assez ampoulé ou profèrent les insultes de la même façon). La trame reste toutefois passionnante et on croise les doigts pour que le volume final nous offre un grand moment.

Quant à ce qui se déroule dans ce second volume, on retrouve Della Rovere, devenu le pape Jules II, qui s'apprête à dévoiler son amour homosexuel au grand jour par un mariage. Avant d'en informer la Chrétienté, il convoque son clan, dont les membres s'uniront pour fomenter l'assassinat du favori. La découverte du cadavre transformera le pape en un monstre sanguinaire.