Histoire de l'oubli

Auteur : Stefan Merrill Block
Editeur : Albin Michel



Mémoire et conscience, deux caractéristiques bien spécifiques à l’homme, qui font de lui ce qu’il est. Si la mémoire est touchée, la conscience l’est aussi. La présence à l’autre, au monde tel qu’il est perçu par la majorité, s’en voient inévitablement altérés, dans des dimensions parfois imprévisibles auxquelles il est souvent difficile de faire face.

La maladie d’Alzheimer est un sujet sensible, surtout, peut-être, dans sa forme familiale et héréditaire, d’apparition précoce. Mais Stefan Merrill Block, en en faisant le fil conducteur, l’axe de son livre, parvient à l’aborder de manière touchante, et ce, sans trame pathétique.

Roman structuré en récits parallèles qui sont bien sûr inévitablement liés, Histoire de l’oubli nous raconte les vies d’Abel, sensible bossu amoureux de la femme de son frère, et de Seth, adolescent introverti dont la mère est atteinte de la souche familiale précoce de la maladie d’Alzheimer. Si le premier cherche à vivre dans un maintien du passé malgré les absences, les secrets, les tragédies, le second tente par tous les moyens de comprendre, de savoir, de connaître l’histoire de sa mère, de sa famille, et de celles de ces autres victimes de la maladie et de leurs proches. Entre ces chapitres vient s’insérer le conte d’Isidora, ville d’or merveilleuse où les êtres ont la chance de vivre dans un monde… sans mémoire.

Abel raconte son histoire depuis sa solitude de vieil ermite au fin fond du Texas ; Seth cherche la sienne, morceaux par morceaux, solitaire lui aussi, depuis son adolescence toute complexe et douloureuse.

Histoire de l’oubli est un roman très bien construit, nous prenant très vite par la main, sachant rendre ses personnages attachants (même s’ils auraient gagné à être encore un peu plus charismatiques). Se lisant la fois comme une enquête existentielle, un témoignage social et émotionnel, ce roman se pare des qualités et défauts d’une certaine littérature “américaine” : un scénario très bien ficelé, un style fluide et clair, un bon sens du rythme, mais en contrepartie, un aspect un peu cinématographique qui empêche l’auteur de se positionner complètement comme écrivain. Si l’on sent dans l’atmosphère certaines influences littéraires suggérées par les médias (Faulkner, pour ne citer que lui), il n’en est pas de même pour la profondeur identitaire des personnages ou du contexte socio-culturel.

Mais voilà qui n’empêche pas du tout une lecture prenante, vive et curieuse, qui nous pousse à tourner la page en se disant que, du début à la fin, il n’y a pour ainsi dire aucune faute de goût. Un premier roman qui vaut la peine d’être découvert, car on ne peut nier y sentir toute l’attention et la passion de l’auteur envers ce thème bien délicat… 

Chronique par Virginie