Oh toi le belge, ta gueule ! - Entretien

Aujourd'hui réédité au format poche chez J'ai Lu, ce livre devait son titre à une "exclamation affectueuse" d'Alain Delon adressée publiquement au père du Chat.  

A la première parution de l'ouvrage (2006), Joachim Regout avait rencontré Philippe Geluck, qui commença par retracer un bref historique de l'émission :

Philippe Geluck : L’émission, qui a connu plusieurs phases, est née il y a huit ans, avec Drucker, entouré de Bruno Masure, Gérard Miller et moi. Au bout de deux ans, il y en a un qui s’est fait virer, l’autre qui est resté un peu plus longtemps. Enfin bref, il y a eu du mouvement, mais moi je suis resté. Je croyais au départ qu’au bout de trois semaines on allait me dire "Merci d’avoir essayé, c’est bien gentil. Au revoir." mais non. Au bout de quatre ans, Drucker m’a demandé de co-animer avec lui (auparavant j’étais plutôt chroniqueur). Et c’est sur cette période-là que j’ai inauguré La Lettre comme une manière créative de faire la co-présentation d’un invité. Celui-ci savait qu’il avait droit à sa lettre en début d’émission et à son dessin à la fin. Durant le reste de l’émission, j’intervenais, comme Drucker, et là j’étais davantage au naturel. La Lettre, c’était par contre une sorte de sketch, très préparé. Et ce moment était visiblement très attendu par les téléspectateurs, car il provoquait à chaque fois un pic d’audience incroyable.
Avec Oh toi le belge, ta gueule, vous vous lancez dans la littérature épistolaire (que vous aviez déjà abordé avec Dr. G, dans un autre genre). Avez-vous comme bouquin de chevet un ou des ouvrage(s) de ce genre ? Lettres à un jeune poète de Rilke ? Lettres d’amour de Robert et Clara Schumann ? Lettres de mon moulin de Daudet ?
Non, bizarrement, je ne lis pas ce genre, même si j’encourage le public à s’y s’intéresser avec mon nouvel ouvrage (sourire) Durant mes études, j’ai bien dû passer par la lecture de Madame de Sévigné. J’ai également lu Lettres à un jeune poète, mais c’est à peu près tout.

L’année dernière, vous avez dessiné des timbres pour la poste française, à présent ce recueil de lettres…
Oui, il y a de l’épistolaire dans l’air. Car si je n’aime pas lire des livres de ce genre, j’aime écrire et recevoir des lettres ! Il y a un côté magique là-dedans.

Comment avez-vous sélectionné les lettres pour constituer cette compilation qu’est Oh toi le belge, ta gueule ! ? Est-ce que ce sont celles adressées à des personnalités que vous estimez davantage ? Ou est-ce que le tri s’est fait en fonction des qualités humoristiques des écrits ?
Je pense avoir privilégié la lettre plutôt que la personne. Je n’ai pas pris que des personnes chères à mon cœur. Ce n’est d’ailleurs pas toujours à ceux qu’on aime le plus qu’on fait la meilleure lettre. Ca dépend de l’inspiration. Michou, ce n’est particulièrement mon univers – je me suis même demandé pourquoi il avait été invité - , mais je lui ai adressé une des lettres les plus drôles de la série. Dans les cent-vingt que j’ai écrites, j’en ai sélectionné environ la moitié, car il fallait un livre qui ne soit ni trop long, ni trop court. Il fallait aussi montrer la diversité de l’approche du courrier : il y a la lettre qui colle à la biographie, celle qui part en vrille pour parler d’autre chose, la lettre adressée à quelqu’un mais qui en fait parle de Drucker, la lettre de drôle, la lettre plus profonde, celle du coup de cœur… C’est donc plutôt la variété de contenu qui m’a guidé pour faire ce livre.

Ce livre permet aussi de découvrir une facette que l’on connaissait peu chez vous : vous êtes non seulement un "hétéro intégriste" (comme vous le dites si bien à Jean Rochefort), mais aussi un sacré dragueur ! Monica Bellucci, Vanessa Paradis, Mireille Darc et même Brigitte Bardot ! Il vous les faut donc toutes ?!?
(rires)  
Bien entendu, je fais le charmeur. Il ne faut pas déconner : quand on se retrouve face à Monica Bellucci, on ne va pas lui parler de mécanique automobile ! Quant à Brigitte Bardot, quand j’avais dix-douze ans, mon amour pour elle était… volcanique ! Je ne lui ai pas réellement écrit des lettres pour la demander en mariage quand j’étais petit – ce qu’elle n’a pas saisi d’ailleurs : elle a cru que je l’avais réellement fait. Elle est un peu comme on l’imagine… : pas très sensible à l’humour second degré.

J’embraye sur le sujet des fesses, dont vous parlez abondamment en vous adressant à certains invités…
C’est dans la lettre à Lynda Lemay que je fais l’apologie de la fesse et des derrières qui se sont posés sur le divan.

Il m'a semblé que vous parliez à un autre moment du livre des postérieurs, non ? Peut-être dans celle adressée à Carlos ? 
(rires)
Non, je ne pense pas. Je parle effectivement bien de son poids, mais pas particulièrement de celui son derrière… qui ne me passionne pas, en tout cas moins que celui de Monica Bellucci. (rires) Mais je vous ai interrompu.

A propos de derrières donc, je voulais savoir s’il vous était arrivé d’avoir à faire le faux-cul en vous adressant à certains invités ?
Quand je dis mon admiration, elle est réelle. Quand je dis mon amour à Jean Rochefort, ça veut vraiment dire quelque chose. Quand mon admiration n’est pas réelle, j’arrive à utiliser d’autres mots, à parler de la renommée, du talent d’une personne, à en faire un éloge sans dire que c’est moi qui le pense. 

Y a-t-il quelqu’un – de vivant – à qui vous auriez aimé avoir l’occasion d’adresser une lettre ?
(silence de réflexion) 
Dans le paysage culturel, showbizz et politique français, on les a tous eus. Je crois qu’il n’y a que Catherine Deneuve et Adjani qui ne sont pas venues. 
(re-silence) 
Ben oui, Woody Allen ! 

Et quelqu’un de décédé ?
J’aurais tellement aimé consacrer un dimanche à Frédéric Dard. Mais on a échangé une correspondance privée il y a quelques années. Ce qui est évidemment plus fort que les lettres de mon ouvrage, qui restent un exercice télévisuel.

Pourquoi avoir voulu faire ce livre ?
Parce qu’une émission télé c’est tellement volatile, éphémère. J’ai passé des heures à trouver des idées et sur le plateau, c’est expédié en quatre minutes. Le livre c’était une manière de fixer mon travail sur un support.

Vos choix, parmi les différentes choses qu’on vous propose, se portent généralement sur des medias ou des émissions plutôt institutionnels : Le jeu des dictionnaires ; Le Soir ; Vivement Dimanche… C’est une forme de snobisme ou une envie de faire l’impertinent parmi les intellos ?
J’ai refusé des propositions sur TF1, sur RTL, etc. et toujours choisi de travailler pour le service public, parce que c’est un univers dans lequel je me reconnais, qui comporte davantage de valeurs auxquelles je suis attaché (que je ne retrouve pas dans les chaînes télé plus commerciales). Je ne sais plus compter le nombre de choses que j’ai refusées de faire. J’ai fait des choix que j’espère portés vers une certaine qualité.

Merci, Philippe Geluck.