Peindre sur le rivage / La Tour Blanche

Peindre sur le rivage
Auteur : Anneli Furmark
Editeur : Actes Sud - l'An 2



La Tour Blanche
Auteur : Pablo Auladell
Editeur : Actes Sud - l'An 2



Deux livres intimistes à fortes dimensions autobiographiques paraissent coup sur coup à l'An 2 (devenu une des collections BD des éditions Actes Sud). De ces tableaux d'états d'âmes errantes, je suis ressorti un peu perplexe.
Dans Peindre sur le rivage, on partage une tranche de vie de la protagoniste, étudiante en arts dans un trou perdu de Suède, tiraillée entre une ambition artistique pour laquelle elle ne se sent pas les épaules et l'envie d'éviter une vie urbaine et mondaine.  On la sent prisonnière de ses doutes, de ses ambiguïtés affectives et ses résignations, puis on referme ce livre de 170 pages en n'en sortant ni bouleversé, ni grandi, ni ébloui... ni même diverti. Peut-être Anneli Furmark devrait-elle dépasser le stade de la simple anecdote personnelle et mettre ses talents de narratrice au profit d'une bonne histoire. Son dessin alternatif, bien que bénéficiant d'une mise en couleurs aux crayons-aquarelles quelquefois intéressante, ne présente à lui seul pas un intérêt particulier.

Ce qui n'est par contre pas le cas du graphisme de Pablo Auladell, auteur-dessinateur de La Tour Blanche qui ne laissera pas les lecteurs esthètes insensibles. Voilà donc un bel objet, déjà très agréable à feuilleter, et dont les planches dévoilent - tantôt au trait et en bichromie, tantôt en couleurs directes et quadrichromie - un style doux et fort à la fois, très cohérent par rapport au thème qui est celui de la nostalgie. 

Le personnage, un homme à la trentaine bien entamée, revient sur les lieux où il passait ses vacances lorsqu'il n'était encore qu'un adolescent effacé. Bien sûr s'était-il préparé à des changements de cette station balnéaire, mais il conserve le secret espoir d'y retrouver son amour platonique d'antan, la "nymphe de l'été".  La seule personne dont il retrouve la trace est une rouquine autrefois surnommée "Méduse". La petite peste est aujourd'hui une femme mariée, gérant une épicerie. Elle ne se souvient pas de lui, mais, intriguée, le reverra plusieurs fois autour d'un verre pour discuter. 

Le lecteur est ici invité dans une sorte de dissertation personnelle à l'auteur du sentiment nostalgique, avec ce que ça comporte de scènes contemplatives, de flashbacks, de ruminations imagées, et puis, pour finir, de la recherche vaine de combler un manque d'une époque révolue. 

Personnellement, tant qu'à me ficher le bourdon, je préfère là aussi que ce soit accompagné d'une vraie histoire, comme le fit Miguelanxo Prado en 1993 avec son roman graphique Trait de craie (dans un style comparable, chez Casterman). Mais si la petite description ci-dessus ne vous rebute pas, La Tour Blanche est un très bel ouvrage. Et Pablo Auladell de toutes manières un auteur à suivre de près.

Chronique par Jean Alinea