Editeur : Casterman
Daria Schmitt est une jeune auteur qui démarre sous une bonne étoile dans le métier : d’une part, l’éditeur accepte de publier sa première oeuvre de bande dessinée en deux volumes d’une soixantaine de pages qui paraissent simultanément ; et de l’autre elle bénéficie du parrainage de François Schuiten (excusez du peu) ! A la lecture d'Acqua Alta, on ne s’en étonnera pas vraiment, car l’influence des Cités Obscures ou de Métamorphoses est très perceptible : l’importance des architectures, les ambiances, des personnages qui cherchent leurs repères dans les procédures et un monde qui va à vau-l’eau. Les planches peintes montrent déjà un sacré savoir-faire de la demoiselle.
Voilà pour les aspects positifs. Parce qu’il y a malheureusement aussi à redire. Tout d’abord au niveau des dialogues, qui sont souvent lourds et maladroits. Les protagonistes semblent parfois parler entre eux dans l’unique but d’informer le lecteur de certains faits. Si le procédé est courant, il ne faut par contre pas que cela se ressente, ce qui n’est pas le cas ici. Voilà donc déjà un premier aspect qui ne facilite pas l’entrée dans l’univers.
L’histoire est assez complexe - sans doute un peu trop pour une première oeuvre - et me rappelle aussi certaines séries des années ’90 notamment (comme Horologium, par Lebeault, chez Delcourt…).
Pour résumer brièvement : deux “appariteurs”, Luc et Matthieu (comme les évangélistes) ont pour mission de rapporter en mains propres un énorme cube au Maire d’Ultréquinoxe, ville-île sur le point de fêter son célèbre carnaval. Une sorte de Venise futuriste et plus nordique, en somme. Ignorant le contenu de leur cargaison, les deux “héros” sont de plus en plus intrigués, d’autant que celle-ci réagit de manière surprenante. Et puis, après l’avoir livrée, les intentions du Maire ne leur semblent plus si louables. Ils en référent alors à la toute-puissante Commission, pour qui le Maire a toujours constitué un obstacle. Mais nos appariteurs font-ils bien ? Ne mettent-ils pas la ville en grand danger ?
Malgré les rebondissements, j’ai eu l’impression qu’après une mise en place honorable, une certaine monotonie de ton s’installait. Ton dans la façon d’aborder les situations mais aussi tons de couleurs. Un crescendo mieux mené, des dialogues subtils et dynamiques, de vraies surprises visuelles, voilà ce dont manque Acqua Alta selon moi.
Je perçois donc Acqua Alta comme une oeuvre de jeunesse d’une auteur qui possède un grand potentiel.
Chronique par Jean Alinea