Happy Slapping

Auteurs : Villard & Peyraud
Editeur : Casterman


Pour ceux qui ne le savent pas, le "happy slapping" est une répugnante activité ludique en vogue chez une certaine jeunesse, et qui consiste à filmer à l’aide d’un téléphone portable une agression d’intensité variable, allant de la baffe au viol ou au meurtre. Comme tant d’autres modes, cette version contemporaine de l’Orange Mécanique nous vient du monde anglo-saxon, mais connaîtrait son petit succès en France.

Or donc, une bande de jeune bourges aussi friqués que désœuvrés s’adonnent à cette activité vespérale sur un couple de clochards quand ils sont interrompus par un saxophoniste SDF surnommé "Bird", qui ne parviendra pas à empêcher le meurtre de la femme. Les jeunes gens sont tellement surpris de rencontrer de la résistance qu’ils en perdent le GSM enregistreur. Le papa du propriétaire dudit GSM est député et ne tient pas trop à ce que l’enregistrement circule. Il paye un tueur pour récupérer l’engin par n’importe quel moyen.

Après Quand j’étais star, Peyraud, avec un style très abouti entre réalisme et expressionnisme, adapte un second roman de Marc Villard, une valeur sûre du polar français.

Si l’intrigue principale tourne autour d’une classique histoire de meurtre et de témoins à faire disparaître, ce sont surtout l’intrigue secondaire, les personnages et le décor qui rendent cet album particulièrement attachant.

Le décor : un Paris nocturne où s’étale la misère, une société en déréliction, dans laquelle les SDF sont de plus en plus nombreux et où la morale n’a plus cours (en bas de l’échelle pour des motifs de survie, en haut parce que tout est permis).

Les personnages et l’intrigue secondaire : incapable d’abandonner l’alcool et de garder un travail régulier, "Bird" a choisi la rue dix ans auparavant. Il a abandonné sa fillette, Cécile, qui l’a longtemps cru mort. Devenue une ado perturbée, elle tombe dans la drogue, puis la prostitution avant de se ressaisir. Puis elle entre au SAMU, dans l’équipe de nuit qui s’occupe des SDF, dans l’espoir de retrouver son père.

Avec Bird et Cécile, Peyraud et Villard ont donné vie à des personnages magnifiquement attachants, qui compensent leurs fragilités par le courage.

Tout cela donne un album riche et dense, dont la noirceur est largement contrebalancée par une revigorante bonne dose de chaleur humaine et de tendresse.

Chronique par Geoffroy d'Ursel