ROMAN : Les derniers jours de Stefan Zweig

Auteur : Laurent Seksik
Editeur : Flammarion



Médecin, écrivain, éditeur, Laurent Seksik semble épris des grandes figures germaniques. C’est en tout cas ce que font penser ses deux derniers livres : Albert Einstein (2008), où il proposait une biographie du célèbre scientifique, et aujourd’hui Les derniers jours de Stefan Zweig, où sa plume navigue entre événements réels et fiction.

Laurent Seksik s’attache aux derniers mois de l’auteur autrichien, passés à Pétropolis au Brésil en compagnie de sa seconde épouse Lotte. Et il raconte Zweig, cet homme au judaïsme faible et friable, au caractère sensible, tourmenté. Cette ombre lumineuse.

On découvre la lourdeur d’une fuite inévitable, quand le monde devient trop laid et que l’idée de vouloir lui échapper est tout aussi insupportable. Zweig comprend à quel point il est inconfortable de vivre avec sa propre part de lâcheté. Combien il est infernal de voir son univers se décomposer. Combien l’illusion de sécurité et de paix est un poids quand elle ne repose pas sur des bases solides. Combien il est douloureux d’assister à la mort des valeurs humanistes qu’il défendait tant.

Et le 22 Février 1942, il met fin à ses jours en absorbant une dose mortelle de Véronal, suivi de quelques minutes par sa jeune épouse Lotte.

Ce roman sobre, délicat, flottant, parvient à nous toucher en proposant une vision intime de Zweig. Interprétations, sans doute, mais fidélité aussi à l’esprit de l’écrivain. À ce qu’il dégageait en tout cas. Tant de gens se sentent en désaccord avec le monde, la société, sans être capable de le reconnaître. Zweig n’était pas de ceux-là. Il a senti un jour qu’il avait perdu sa place et l’a cédée en toute sérénité. Qualifiera-t-on d’égoïsme le fait d’avoir emporté Lotte dans cette décision fatale ? A-t-elle fait son choix en toute conscience ? Laurent Seksik nous propose la sensation mitigée d’une réaction désespérée provoquée par une personnalité soumise, un amour inconditionnel et un asthme dictateur.

Les derniers jours de Stefan Zweig aurait peut-être pu être un récit plus profond encore, plus dense. Il est doux et poétique. Il va et vient entre les espoirs et les ruminations, entre le sens de l’écriture et les erreurs du monde.

Chronique par Virginie