Retrouvailles

Auteur : Anne Enright
Editeur : Actes Sud




C’est parce que son frère se jette dans la mer que Veronica se met à chercher, à écrire l’histoire d’une famille nombreuse, la sienne. Liam, dont elle était si proche et en fin de compte si éloignée, sa dizaine d’autres frères et sœurs, sa mère à la mémoire troublée, sa grand-mère aux amours troublés, cet étrange Lamb Nugent.

Elle écrit les souffrances, les doutes et le chaos que l’amour a installé là ; l’alcoolisme, la haine, les relations tangentes, les identités maladroitement construites ; elle écrit sa douleur, son instabilité, ses nostalgies, ses trahisons et celles qu’elle a subies, les souvenirs trop flous, les souvenirs trop précis.

Peut-être faudra-t-il réinventer un peu tout ça pour avancer, sortir du désordre et se recréer, dans une histoire familiale dont on ne peut se débarrasser. Quitter, ne fut-ce qu’un instant, la voie tracée du désastre.

Retrouvailles (The Gathering), distingué par le Booker Prize en 2007, est un roman qu’on traverse comme une couche épaisse, contre lequel on avance comme un jour de grand vent. Il laisse (trop) peu de temps de respiration et s’écrit comme un essoufflement, fébrile et douloureux.

Le style est efficace, aigu, rude, laissant difficilement place à la tendresse (pourtant là, nichée entres les cris et les coups de rage, entre les désespoirs nocturnes et les envies frustrées) mais brillant, trop lucide presque.

Quand il y a trop de secrets, trop d’erreurs, trop de faux pas, trop d’absences, de mensonges, d’inadéquation et de morts, le chemin qui les relie est abrupt.

Anne Enright est une auteure dure, elle coupe, modèle ses mots avec une forme de brutalité, un sens primitif de l’émotionnel.

A lire un jour de beau temps.

Chronique par Virginie