ESSAI / BEAU-LIVRE : La bande dessinée en France à la Belle Epoque 1880-1914

H
ormis Little Nemo, Bécassine, Les Pieds Nickelés et quelques dessins de Caran d’Ache… et encore… peu d’entre nous avons une idée de ce qui se faisait à la Belle Epoque en matière de bande dessinée. Par paresse intellectuelle, certains pourraient parfois croire que ce qui précède Tintin doit paraître si daté que ça ne vaudrait pas le détour. 
 
E
h bien, c’est là que la consultation de cet ouvrage a de quoi stupéfier.

 Il y a même en ces pages de quoi encore étonner les bédéphiles les plus experts.
 
On connaît aujourd’hui tout le sérieux et la pertinence de chaque livre signé Thierry Groesteen dès qu’il s’agit d’Histoire de la bande dessinée… et ce volume-ci ne déroge pas à la règle.
 
I
l y est bien entendu question de l'évolution de ce moyen d'expression hybride et populaire: de son académisme à ses trouvailles narratives; de sa naïveté apparente à la satyre sociale; de ses encarts de pages au rythme du feuilleton; de ses  archétypes répétés aux personnages marquants. L'ouvrage ne fait bien évidemment pas l'impasse sur la façon dont sont abordés, au travers de récits rocambolesques, les messages et thèmes chers à l'époque : vertus "morales",
relations "galantes", "progrès", guerre, sans oublier la colonisation et les stéréotypes raciaux (ou antisémites) répandus... quelquefois déjà dénoncés par des détournements où l'arroseur se voit arrosé.
 
Vous allez découvrir ici des jeux de cadrages qui ont dû
, directement ou indirectement, influencer bien des dessinateurs : de Will Eisner (Le Spirit, Un contrat avec Dieu, L’appel de l’espace) à Jousselin (la série humoristique Imbattable, chez Dupuis), en passant par des dessins expressifs en ombres chinoises qui évoquent immédiatement les Idées noires de Franquin ou encore La vénéneuse aux deux éperons de Blanquet. 



 
Si le texte de l’auteur-historien est passionnant, on regrette juste qu’il n’ait quelquefois pas été plus synthétique pour laisser davantage de place à la taille des reproductions, certaines étant vraiment trop petites. Mais à part ça… voilà un bouquin qu'il était important de porter à la connaissance du public
amateur de bandes dessinées, d'art et évidemment des auteurs du genre.



Chronique par Joachim Regout

Beau-Livre édité par Les Impressions Nouvelles