BD : Fable toscane et autres récits

D
epuis plusieurs années, les éditions Mosquito ont fait une de leurs spécialités le fait d’éditer petit à petit, en français, (toute ?) l’œuvre du milanais Sergio Toppi (1932-2012). A côté de séries incontournables comme Sharaz-De (disponible en intégrale) ou Le collectionneur, l’éditeur publie une monographie, des art-books thématiques, n’hésite pas à nous faire découvrir des versants moins connus dans la production du maestro... et pousse même le "vice" jusqu’à publier récemment Une armée immobile, un catalogue de figurines d'une vingtaine de centimètres de haut que Toppi réalisait pour son plaisir (et avec une minutie remarquables).

M
ais le tout dernier ouvrage, paru en cette année 2021, c’est Fable toscane et autres récits. Ce n'est peut-être pas celui par lequel on vous recommanderait de commencer si vous n’êtes pas encore familier avec le travail de ce grand maître de la bande dessinée, mais ce recueil d'histoires courtes -
en noir et blanc - a l'avantage de montrer une étendue assez vaste de son talent graphique, que ce soit dans des registres plus naturalistes ou plus imaginaires, ainsi que de présenter des thèmes qu'il affectionne, même s'ils sont ici développées de manière sommaire.

L
e récit des Choses cachées (2000) parle de la pulsion meurtrière existant derrière les mythes et certaines traditions bien humaines, et ce depuis la préhistoire.


 
Le manteau de saint Martin (2001) narre, en plein Moyen-Age, la fuite de deux enfants dans une chapelle, tentant d’échapper aux soudards qui ont déjà dévasté leur village. L’origine d’une véritable légende locale ?



La Fable Toscane (1989), qui donne son titre à l’ouvrage, est la plus longue et sans doute la plus mémorable, même si là aussi l’intrigue est vraiment très simple. Maître Domenico est un menuisier passionné et très sollicité dans son village. Il y est aussi enseignant et conteur à ses heures perdues. C’est le passage du percepteur des impôts qui, lui exige chaque année davantage, qui provoque une soudaine fatigue nerveuse et l'incite à prendre temporairement congé, aller dans la montagne, se reposer sous un arbre. Quand il se réveille, c’est un bond dans le temps d’une trentaine d’années qu’il semble avoir effectué, dans un monde qui a bien changé.


 
Q
uoi de plus banal qu’un incendie ?
(1999) aborde les racontars et superstitions qui peuvent alimenter la paranoïa collective. La crainte de forces démoniaques extérieures empêche parfois de remarquer que le véritable danger se niche tristement, rationnellement, au sein-même de la population.
 


Roland viendra (1986) parle de la non-reconnaissance de vrais sauveurs (pouvant être des allégories de solutions) et de l’attente d’un héros providentiel idéal. Et si ce dernier devait arriver, de quelle nature serait-il réellement ?

O
n regrette que Mosquito n'opte pas pour un papier mat légèrement plus écru pour  rendre hommage à la classe du dessin de Toppi ; ou encore que les vignettes "doublons", introduisant chaque chapitre, ne soient pas l'occasion de présenter des crayonnés inédits (il en reste tellement ne figurant pas dans le sublime recueil d'esquisses Trait pour trait).
Mais sinon, Fable toscane et autres récits est encore un bel album pour fans, composé de planches qui sont un pur régal pour les yeux.

Chronique par Joachim