BD : Leonard Cohen - Sur un fil

L
es éditeurs semblent avoir bien intégré que les "biopics" en BD constituaient un moyen de vendre du fonds sur la durée, parallèlement à d'autres parutions qui misent sur l'attrait direct et l'effet "nouveauté". Sauf que les étals commencent à pulluler de ces transpositions biographiques en récits dessinés, avec une qualité pour le moins inégale. L'exercice de retracer tout le parcours d’une vie en un roman graphique n’est pas chose aisée. Avoir du talent et être un fan de la célébrité concernée ne suffit pas, il faut un sens du rythme narratif hors pair, choisir un angle de vue et parvenir à
nous faire passer l'intensité émotionnelle d'éléments-clés d'un parcours de vie.

L
e graphisme linéaire et un peu "détaché" de Philippe Girard (qui évoque un peu ceux de
Loustal ou Dupuy & Berbérian) nous semblait a priori adapté à la classieuse austérité des disques du grand poète-chanteur canadien et juif dont il est ici question.
 
S'il n'est pas déplaisant à lire, on pourra par contre regretter que ce Leonard Cohen - Sur un fil nous livre une succession de mini-seynettes non-immersives :
la longueur octroyée à chaque tranche de vie semble tour à tour équilibrée, étonnamment expédiée ou inutilement aérée ;
les personnages donnent l'impression d'être blasés ;
les physionomies ne sont pas toujours reconnaissables...
Philippe Girard n'aurait-il d'ailleurs pas lui-même cafouillé, puisque celle qui se présente comme étant Judy Collins dans une page de BD devient Joan Baez dans la galerie des protagonistes en fin d'ouvrage ? 

Une double page qu'il aurait d'ailleurs été judicieux de mentionner dès le départ, notamment pour le lecteur qui ne serait pas familier avec le contexte culturel de cette époque.

V
ous l'aurez compris, on ne peut vous cacher une certaine déception en refermant ce livre, qui ne reflète pas assez la profondeur des transformations de vie du chanteur. Mais qui n'aura pas non plus laissé de place à l'ennui : il y a quelques scènes qui prêtent à sourire ou laissent méditatifs. De ces femmes atypiques sur lesquelles Leonard Cohen jette son dévolu à sa retraite dans un monastère zen, en passant par
quelques anecdotes malencontreuses (la perte des droits de Suzanne, les reprises de Hallelujah éclipsant l’original, les accusations de sionisme suite à un concert devant l'armée israëlienne, les arnaques d’agents...), il y a bien évidemment du romanesque.
 
On  aura également croisé Janis Joplin, Nico, Phil Spector, Lou Reed... et
tout ça nous a redonné  des envies d'écoute
C'est déjà ça de pris ! 




Chronique collective de la rédaction Asteline