BD : Le Chien de Dieu

"D'habitude, je déteste qu’on m’observe pendant les exercices, mais vous… J’ai surpris vos regards. Je pouvais m’appuyer dessus. C’est rare." 
(réplique attribuée à la professeur de danse Lucette Almansor dans la bande dessinée Le chien de Dieu)

"Vous parlez d’un bouquin ? J’aime pas les bouquins. 
- Vous aimez quoi alors ? 
- Prendre ce qui m’est dû. 
- Et qu’est-ce qui vous est dû ? 
- Tout ce qu’on me refuse."
(dialogue entre Céline et Manon, entrée par effraction chez l’auteur pour voler des médicaments)

"La lucarne ! Voyons, Nimier, la TV est dangereuse pour les hommes ! L’alcoolisme, le bavardage et la politique en font déjà des abrutis. Etait-il nécessaire d’ajouter encore quelque chose ?" 
(réplique de Céline dans Le chien de Dieu)

Quand il s’agit de donner une interprétation romancée de récits historiques, Jean Dufaux donne souvent le meilleur de lui-même, la documentation lui évitant de s’embourber comme ça lui est, selon moi, souvent arrivé en abordant le genre fantastique. Son amour de la littérature dite "classique" lui avait déjà inspiré quelques one-shots où les vies de Sade, Pasolini, Hemingway, Balzac et Hammett étaient réinterprétées sous son prisme de scénariste et sous le pinceau de différents dessinateurs. Contrairement à d’autres de ses albums, ceux-là connurent cependant l’insuccès commercial, à son grand désarroi. Il se réessaie à l’exercice aujourd’hui, profitant d’un nouvel engouement du public pour le genre biographique en bande dessinée.

C'est de l’auteur du célébrissime Voyage au bout de la nuit (1932) qu'il choisit cette fois de dresser le portrait. Un Louis-Ferdinand Céline (Destouches de son vrai nom) qu’on suit durant les dernières années de sa vie, à Meudon, officiant comme vieux médecin. 

Le personnage est pétri de contradictions, de phobies, de mépris envers les hommes (à commencer par les éditeurs et les étrangers à sa culture) et portant jusqu’à la fin ses traumatismes de la Première Guerre mondiale. Dufaux ne se permet pas de prendre parti, mais rend un visage humain - un peu attachant, souvent antipathique - à celui qui est tantôt considéré comme un génie littéraire, tantôt comme un homme condamnable (pour ses pamphlets antisémites surtout).

Jacques Terpant signe quant à lui un dessin réaliste (voire photographique), adapté pour servir l’histoire. Des tons gris, sépias ou ocres permettent de différencier les périodes traitées. Il est par contre regrettable qu’il y ait parfois trop de ressemblances entre des physionomies différentes.

Au niveau des subtilités, notons que le scénariste dévoile, dans une ultime pensée qu’il attribue à Céline, quels sont les personnages fictifs inclus dans ce récit biographique : "Caron, Solange, Manon, c’est des histoires que j’ai pas racontées. Pas le temps. Trop court, le temps. C’est fini. Pas mécontent. Je veux juste le silence."

Chronique par Joachim
Le chien de Dieu est paru aux éditions Futuropolis.