Editeur : Gallimard
Sonny Lofthus ressemble à l'image qu'on se fait du prisonnier modèle.
Paisible et silencieux, héroïnomane placide, il recueille régulièrement
les confessions de ses congénères qui voient en lui une forme de
sainteté qui dépasse toute bénédiction des hommes d'église. Enfermé
depuis 12 ans pour des crimes qu'il n'a pas commis mais endossés pour
s'assurer sa dose régulière de drogue. Tout aurait pu se poursuivre
ainsi jusqu'à son overdose. Sauf qu'il reçoit un jour l'aveu d'un
co-détenu qui fera tout basculer : son père, policier, ne se serait pas
suicidé mais aurait été assassiné. La lettre avouant sa corruption était
un faux. Et toute la tragédie ayant entraîné Sonny vers le fond,
construite sur le mensonge.
Le changement s'opère, Sonny
s'arrange pour se sevrer de la drogue et s'évader afin d'entamer une
croisade justicière habile jusqu'aux racines de la corruption osloïte.
Sur ses traces, Simon Kefas, inspecteur ami de son père, vieux renard
presque à la retraite, mais mis sur la touche
pour avoir flambé son argent alors qu'il travaillait dans la section
financière. Le policier rusé fait son boulot, mais le gamin le fascine
et l'intrigue.
De prime abord, un scénario mêlant
rédemption, vengeance, soif de vérité, malversation... de quoi alimenter les rayons de récits
clichés mais suffisamment adroits pour tenir le lecteur en haleine. Sauf
qu'ici, Jo Nesbø brouille les pistes, en quittant très
rapidement les sillons du manichéisme et en alignant une batterie de
personnages tous plus nuancés les uns que les autres. Personne n'est
noir ou blanc, et surtout pas le héros/anti-héros Lofthus. Ni Simon
Kefas. Ni les figures secondaires gravitant autour, et ce jusqu'au bout du roman. On n'entre pas dans le facile,
moralement parlant. Le lecteur doit faire son choix, avec son propre
bagage de valeurs. Et c'est ça qui rend Le Fils puissant littérairement
parlant. Dans notre monde déjà bien baigné de violence et d'éthique
douteuse, il agit en miroir de nos consciences.
Hormis
quelques lourdeurs dans la description des scènes de crime, il n'y a pas
grand-chose à reprocher à ce livre. C'est un thriller, un polar, c'est
du noir, on le sait : ça prend aux tripes et ça devrait franchement
ravir les lecteurs qui aiment ça.
Insomniaques s'abstenir. Et
pour ceux qui le découvrent en livre audio, ne l'écoutez pas en
conduisant : vous risquez d'arriver en retard au boulot ou de passer la
nuit dans votre voiture.
Chronique par Virginie