ROMAN : Persuasion

Auteur : Austen
Editeur : 10/18 / Christian Bourgeois

Comme dans d’autres romans de Jane Austen, Persuasion a son content de raison et de bienséance, de sottise opposée à l’intelligence et la culture, de raffinement, de futilité, de bourgeoisie pétrie de jugements mais aussi d’êtres forgés par le sens du devoir et des valeurs de cœur et d’esprit.

C’est, comme toujours, avec beaucoup de délicatesse que Jane Austen dresse le portrait de son héroïne et de son entourage. Anne Elliot est la sagesse et l’intelligence même, un exemple d’obéissance et de bonne éducation (parfois un peu trop). Alors qu’elle est d’une effroyable transparence pour son père et sa sœur aînée, deux êtres égoïstes et d’une grande superficialité, elle sait se rendre indispensable pour nombre des siens par ses conseils avisés, ses bons soins et sa disponibilité.

Sous les conseils de Lady Russell, tendre amie de sa mère décédée, Anne avait éconduit Frederick Wentworth, marin sans situation, alors qu’elle était âgée d’une vingtaine d’années. Plus de huit ans ont passé et voilà que leurs routes se recroisent. Le cœur d’Anne n’a jamais pu faire de place à un autre que Wentworth, aujourd’hui capitaine reconnu et fortuné. Là où ce dernier semble s’être détaché d’elle et retranché derrière son orgueil, la jeune femme reste sensible et amoureuse. Et c’est dans l’effervescence d’un groupe composé de voisins, de sœurs, de cousins plus diversifiés les uns que les autres que les jeunes gens vont réapprendre à se fréquenter.

Si cette trame pourrait, sous notre intransigeant regard moderne, sonner comme un mièvre soap à l’eau de rose, heureusement, il n’en est rien. Il s’agit bien entendu de Jane Austen, de son regard perçant mais raffiné, de sa connaissance de ses contemporains dans ce qu’ils avaient à la fois de plus charmant et de plus effroyable.

On retrouve des éléments communs à ses autres romans (une jeune femme se blesse ou est malade ce qui va bouleverser l’ordre établi ; le héros est tiraillé entre ses sentiments et son sens du devoir ; les non-dits entraînent des malentendus ; des unions improbables se créent ;  la moralité est remise au premier plan…) mais cette récurrence n’est pas gênante car elle s’installe comme une réelle charpente à un travail d’une minutie sans pareille.

Austen est la dentelière du roman anglais. Portée par ses propres émotions, souffrances, frustrations, rigidités aussi, elle a passé sa courte vie à aiguiser son regard. Passionnant certains lecteurs, en ennuyant d’autres, elle restera pourtant toujours liée à cette ironie souple qui la caractérise, pleine de rêves et d’espoirs que quelque chose de mieux surgisse, se libérant ainsi par la plume des carcans sociaux qui l’ont maintenues jusqu’à la fin. 

Chronique par Virginie

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Emma