BAUDOIN, entre peinture, dessin et écriture

"Dans mon travail, il y a trois axes de création qui sont respectivement écrire, peindre et dessiner. L’acte de peindre me prend tout. Tant sur le plan physique que sur le plan intellectuel.
Ainsi, Je ne dors plus, je ne mange pas, mon corps tout entier travaille lorsque je peins. Je m’abaisse, je me relève, je transpire, je fatigue… Deux jours après avoir terminé, je n’arrive plus à marcher tellement j’ai mal aux fesses et aux jambes d’avoir continuellement changé de positions. La peinture est une bataille. Elle est physique comme un match de boxe. On brûle d’une traite une énergie extraordinaire. Une énergie qui nous épuise, mais qui, à la fois, nous lave l’esprit.

Avec le dessin et, bien sûr, la bande dessinée, je travaille presque toujours debout pour sentir la totalité de mon corps, même si, seuls le bras et le poignet bougent lorsque je dessine. L’engagement, qu’il soit physique ou intellectuel, est beaucoup plus long qu’en peinture et s’étale sur plusieurs mois. C’est beaucoup plus réfléchi que la peinture, et je peux aussi m’en libérer quelques temps pour m’oxygéner, aller me promener, me reposer, lire, faire ce que tout le monde fait dans une journée.

En écriture, c’est encore différent. Là, plus rien ne bouge si ce n’est les doigts qui tapent sur un clavier, et les sourcils que tu fronces. Il n’y a pas de sortie, plus aucune liberté. Qu’on soit au restaurant, au cinéma, en avion ou aux toilettes, l’écriture monopolise l’esprit. On vit avec. Tout le temps. C’est l’unique et grande différence entre l’acte d’écrire et l’acte de peindre.
 
Qu’on cherche une couleur ou un mot, ou bien qu’on cherche à marier le dessin au mot, la démarche est en soi identique. Le musicien se trouve dans la même problématique que le peintre ou l’écrivain. Il lui faut être et ne faire qu’Un dans la création.

(...) Il faudrait pouvoir passer de l’un à l’autre au cours d’une journée, mais cela demanderait beaucoup trop d’énergie. Je pense que de cette manière de vivre, pouvoir voyager d’un acte de création à un autre, vivre plusieurs situations très différentes dans la même journée, tous les jours, on arriverait à des résultats bien plus intéressants. Être moins coincé dans un registre." 


(Extraits du magazine L'Indispensable n°2, janvier 1999)