ROMAN : La disparition de Jim Sullivan

Auteur : Tanguy Viel
Editeur : Minuit


Écrire un roman américain, c’est prendre la bonne route : elle démarrerait évidemment dans la banlieue de Detroit, Michigan. Il y aurait des problèmes liés à un divorce, le personnage principal devrait être professeur de littérature dans une université, avoir une liaison avec une étudiante, quelques soucis avec l’alcool, se retrouver coincé dans une mésaventure qui le dépasse, crever de jalousie et être frustré de sa vie qui, finalement, n’a pas répondu "oui" au fameux rêve américain.   

Quand on est un auteur français, ça demande de se renseigner un minimum, de savoir où on va, d’intégrer la guerre en Irak, l’attentat du 11 Septembre, tout un tas de références historiques, politiques et une longue présentation du héros qui, évidemment, doit avoir un nom qui sonne juste, en l’occurrence, Dwayne Koster. 


En filigrane de cette histoire, la mystérieuse disparition du musicien Jim Sullivan, dont la voiture a été retrouvée presque vide (n’y restait que sa guitare) dans le désert du Nouveau-Mexique en 1975… kidnappé par les ovnis ?

Avec beaucoup d’humour et une pertinence sans faille, Tanguy Viel décortique les poncifs du genre et offre un regard espiègle sur ces éléments incontournables du roman américain. Et pourtant, il l’écrit, ce roman, usant d’ellipses là où les descriptions à rallonge auraient tenu la première place. Il l’écrit sans rien omettre, si ce n’est la lourdeur. 

"J’ai souvent hésité pour savoir dans quel ordre écrire toute l’histoire, à cause des différents personnages qui la traversaient et donc les différentes lignes narratives qui finiraient par se recouper plus ou moins mais requéraient forcément la patience du lecteur. Mais je n’ai jamais douté que c’était comme ça qu’on écrivait un vrai roman américain, surtout si je voulais que ça fasse comme une fresque, ainsi qu’il est souvent écrit en quatrième de couverture, souvent il est écrit "véritable fresque qui nous entraîne dans les méandres de l’humanité" et ce genre de phrases tout à fait attrayantes qui expliquent le caractère international du livre."

On suit le récit et on suit sa construction. Dans une époque où tout doit être "conceptionné" plus que conceptualisé, être défini, cloisonné, ce livre vient comme un pied de nez à toute catégorisation. Relevant le non-sens même d’une identité littéraire, sans se jouer complètement d’elle, il ouvre juste un peu plus le regard de ceux qui cherchent à se définir par leurs propres lectures. 

Vive les clichés, pour une fois, tiens !

Chronique par Virginie