ROMAN : Les mères juives ne meurent jamais

Auteur : Natalie David-Weill
Editeur : Robert Laffont




Les mères possessives font-elles les génies ou les génies font-ils les mères possessives ? La relation d’une mère à son fils conditionne-t-elle ce qu’il devient ? Ses souffrances, ses réussites ? Natalie David-Weill s’est plus précisément penchée sur les cas célèbres d’Albert Cohen, Sigmund Freud, Marcel Proust, Romain Gary, Albert Einstein, Woody Allen et des Marx Brothers en créant cette fiction où toutes leurs mères se retrouvent dans un même paradis, échangeant sur l’intelligence et les qualités exceptionnelles de leur progéniture.

Mais d’abord qu’est-ce qu’une mère juive ? "C'est quelqu'un qui se lève pour que son enfant retrouve son lit fait, quand il va faire pipi au milieu de la nuit." Du mythe à la réalité, il n’y a qu’un pas, d’autant qu’on peut n’être ni mère, ni juive, mais en être une malgré tout. Protectrice, courageuse, aimante au-delà de toute limite, vantant sans cesse les mérites de son fils, elle est aussi culpabilisatrice et exclusive.

C’est en pénétrant ce "paradis des mères juives" que Rebecca, maman célibataire d’un fils unique, rencontre toutes celles qui ont vécu dans l’ombre ou se nourrissant de la lumière de leurs illustres rejetons. Fascinée, Rebecca n’a de cesse de questionner ces femmes au caractère trempé, mais aussi très sensibles, sur leur vision de la relation filiale.

Si le thème est réellement intéressant, on regrettera que l’aspect romanesque ne tienne pas suffisamment la route pour nous libérer de cette sensation de lire une thèse déguisée. Oui, c’est de la fiction, mais bon, il s’agit avant tout d’un dialogue, ou chaque intervenante a l'art "citer" à la lettre, présentant des opinions très peu teintées de leurs époques respectives (c’est vrai qu’imaginer la mère de Proust regarder un DVD de Woody Allen au paradis, c’est un peu difficile). Par contre, en oubliant la forme et en m’attachant au fond, je ne peux que trouver des anecdotes et réflexions pertinentes sur la vie de ces hommes célèbres, qu’ils aient ou non souffert du joug maternel.

On sent que Natalie David-Weill maîtrise son sujet (et est apparemment captivée par les films de Woody Allen dont elle nous fait une étude récurrente) et elle partage son enthousiasme à travers ce livre qui, s’il ne manque pas d’humour, n’est peut-être pas assez décalé pour dépasser ses faiblesses scénaristiques.

Mais de nouveau, ce roman reste à lire pour son regard sur les trajectoires de ces destins fascinants et nous rappelle l’humanité de ces artistes ou savants extraordinaires. 

Chronique par Virginie