Nous ne serons jamais des héros

Auteurs : Jouvray & Salsedo
Editeur : Le Lombard



Mick et sa soeur Chris, deux trentenaires, ont depuis longtemps appris à vivre à distance de leur père : leur mère est morte dans un accident de voiture dont celui-ci est miraculeusement sorti vivant, mais pas indemne. La fille est devenue une "executive woman". Le fils, par contre, passe ses journées devant la télé en rêvant à une vie qu'il n'aura jamais : il doit juste se contenter de quelques CDD imbéciles et de tentatives de drague perdues d'avance.
Cela pourrait cependant changer au décès de leur grand-maman. Leur paternel acariâtre est pris par une envie : faire le tour du monde et partir en pèlerinage sur les lieux qui ont vu l'éclosion de son amour pour sa défunte épouse. Vu son état de santé, il aura besoin d'une aide de tous les instants : son fils. A voir qui des deux voyageurs sera le plus transformé par le périple...

Jouvray et Salsedo s'attaquent à un genre : la bd existentielle. Et ils réussissent très bien à insuffler ce qu'il faut de tristesse, de nostalgie et d'espoir pour captiver le lecteur d'une manière intelligente et sensible. D'autant mieux qu'ils n'oublient pas de parsemer l'album de quelques notes d'humour bienvenues qui n'excluent pas les réflexions sur la civilisation moderne et les idéaux des années flower-power (celles du père) qui ont été perdus. Les désillusions par rapport au devenir de l'Homme et du monde donnent d'ailleurs son titre à l'album.

Le mélange de ces différents ingrédients est tellement réussi qu'il fait penser à certains romans générationnels, dont Génération X de Douglas Coupland (en moins verbeux bien sûr), où les réflexions des héros permettent une photographie, en creux, de la société.


Merci à Salsedo et à son trait toujours au bord de la caricature (voir les "tronches" de Chris, la soeur !), qui réussit sans problème à peupler les planches des paysages somptueux de La Réunion, San Francisco (tout un symbole) ou encore du Vietnam, quelques étapes dans le processus de domestication mutuelle entre le père et le fils. Et le chemin obligé de l'ouverture au monde... pour l'un des deux au moins.

Chronique par Yves