Auteurs : Manche et Phang
Editeur : Atrabile
Japon, 1920, période où la tradition se heurte progressivement à la modernité occidentale. Dans une maison de famille, les deux seuls locataires entretiennent de curieux rapports : Yukio est un mystérieux photographe fortuné, à la vie dissolue, et Hariyoshi est un jeune étudiant en philologie, vivant en ermite, se coupant de toute vie affective. Tel un mécène, le premier pare aux difficultés financières du second, malgré ses refus : payement du loyer, habits chics, confort de travail… La curiosité de Hariyoshi finira par le pousser à filer son intrigant ami bienfaiteur afin de découvrir son non moins étrange rapport aux femmes.
Sur près de 150 planches contemplatives, le découpage en gaufrier aurait pu constituer un rythme de narration ennuyeux. Et pourtant ça ne l’est pas.
Hormis le dessin de couverture, le graphisme fait partie de ceux qui ne révèlent leur force qu’à la lecture. Un graphisme-écriture qui, avec un minimum d’effets (ligne épurée, peu de détails, lavis transparent), nous invite à nous immiscer dans une vie quotidienne calme, en apparence monotone, très traditionnelle, mais où désirs, fantasmes, perversité et autres cachoteries sont perceptibles, en se dévoilant pourtant peu.
Chaque personnage présente des défauts de caractère évidents, un visage le plus souvent impassible, un corps distants… et les émotions sont cependant bien présentes.
Il y a dans cette association entre la scénariste Loo Hui Phang (française, d’origine laotienne) et le dessinateur (belge) Cédric Manche un équilibre subtil et rare. Panorama modifie l’humeur et vous poursuit encore après la lecture, comme un poème lancinant.
Chronique par Jean Alinea
N.B.: Panorama (paru en 2004) est le premier volume d’une trilogie de récits indépendants, dont le second volume J’ai tué Geronimo est également paru (en 2007).