Eco Warriors - T01 : Orang-Utan

Auteurs : Marazano & Lamquet
Editeur : 12bis



Si on n’y prend garde, Marazano aura bientôt inventé un genre et on ne l’aura même pas remarqué : la bande dessinée "alter-futuriste" ou de "cyber-résistance globale". Le terme exact reste à déterminer, mais il y a chez cet auteur une espèce de constance qui mériterait d’être investiguée.

Dans Eco-Warriors, on retrouve ce qui nous avait déjà intrigué dans d’autres de ses séries : un mélange de froideur technologique (qu’on ne fait encore qu’entrevoir) et de militantisme altermondialiste, ou plutôt de résistance, puisque Marazano nous projette à nouveau dans un univers où les multinationales ont pris le pas sur l’Humain (encore plus explicitement que de nos jours).

Chris et son pote Pulo investissent un vieux dispensaire en ruine au milieu de la jungle. Accueillis par les villageois et Eva, humanitaire au caractère bien trempé, ils remettent de l’ordre dans les vieux baraquements qui avaient été mis à sac par les rebelles. Avant, des scientifiques en blouse blanche y menaient des expériences sur des orangs-outans. Si Chris est arrivé, c’est pour permettre la remise en liberté de spécimens de ce même singe, jusque là élevés en captivité. Tout serait bien dans le meilleur des mondes possibles si les rebelles ne se promenaient pas dans les parages et s’ils n’avaient éliminé par les armes les anciens occupants du dispensaire. Et même si le cœur du gentil Chris en pince pour Eva la caractérielle, certaines choses restent toujours inexpliquées : quel liquide contient la fiole qu’il a trouvé sur le sol et quel est, au final, le but réel poursuivi par les rebelles ?

Le scénariste fait ici appel à Lamquet pour livrer un dessin hyperréaliste. Les manipulations informatiques sur les arrière-plans sont réussies et guère dérangeantes, sauf peut-être pour les puristes. Les planches créées sont joyeusement colorées et rendent parfaitement compte de la luxuriance de la jungle. De plus, comment pourrait-on réussir une bd "futuriste" sans avoir l’audace de l’être un peu dans le dessin ? Marazano, qui travaille aussi régulièrement avec Ponzio, l’a bien compris. Au pire, on pourra reprocher un manque de fluidité dans certaines planches et une surcharge dans les détails graphiques qui empêche parfois un peu de saisir ce qui se passe du premier coup, mais le défi artistique est en définitive brillamment relevé.

Reste une question un peu plus fondamentale : s’il est excellent dans son genre, le problème de cet album est peut-être qu’il appartient déjà à un… genre.

Dans ce premier épisode (croisons les doigts pour la suite), l’histoire a quelque chose de prévisible et de pas foncièrement neuf. "Unissez-vous contre la dictature du pouvoir économique et scientifique", semblent nous dire Lamquet et Marazano. Ce n’est donc pas par hasard si Eco Warriors nous fait penser à ce qu’on a parfois déjà pu lire du même scénariste.

C’est sous deux aspects qu’il faudrait donc juger le présent tome :
Sous l’angle de la bande dessinée qui emprunte des codes connus, ce 1e volet est excellent.
Vu sous l’angle de la BD qui peut prétendre à l’universel et marquer durablement les mémoires, là, c’est une autre histoire…
Mais le but était peut-être simplement de passer un bon moment, et là, seuls les esprits chagrins pourront trouver sujet à critiques.

Chronique par Yves