BD : Britten et Associé

Auteur : Hannah Berry
Editeur : Casterman




Fernandez Britten, privé un peu neurasthénique, n’a plus envie de suer sang et eau pour de vulgaires histoires d’adultère. Il veut du meurtre, dorénavant le seul type d’affaire qui pourra lui donner envie de se lever de son lit pour aller courir les rues délavées du grand Londres en quête d’informations.

Justement, s’il a rendez-vous chez Benson’s, c’est pour rencontrer Charlotte Maughton qui veut le voir enquêter sur le suicide de son fiancé Berni Kudos. Employé de l’imprimerie familiale, rien ne laissait présager que cet homme au cœur sur la main mettrait fin à ses jours alors que le mariage était en vue.
C’est pourtant ce qu’il fît, plongeant sa bien-aimée dans le plus grand désarroi. Mais Britten découvrira rapidement que Berni était au centre d’affaires qui pouvaient aisément mettre sa vie ou sa santé mentale en danger…

Avec Britten et Associés, la jeune britannique Hannah Berry fait une entrée remarquable dans le monde du neuvième art.

L’ambiance assez noire nous ramène aux standards de l’âge d’or hollywoodien où les privés ténébreux croisaient les femmes fatales dans des lieux de rendez-vous glauques.On se régale des façades crépusculaires balayées par la pluie et des quartiers de la ville où les non-dits ont l’air de suinter des pierres (pour paraphraser les excellents textes de l’album).

Mais, malgré les quelques parallèles qu’on peut faire avec la production américaine, l’essentiel reste très british par quelques bizarreries qu’on pourrait qualifier d’incongruités si elles n’étaient effacées par l’excellence du reste : ainsi, le privé trimbale partout un sachet de thé auquel il confie toutes ses réflexions sur l’enquête. Et inexplicablement, le sachet de thé lui répond ! Ou, alors qu’il est équatorien, tout le monde s’obstine à le prendre pour un français, à cause de l’accent.

Les quelques sourires qu’on peut parfois esquisser sont assez rapidement éclipsés par la grisaille de l’ensemble ou, au mieux, ses couleurs blafardes quand d’aventure une scène a lieu pendant une journée moins pluvieuse.

Reste que le petit défaut serait peut-être là : à trop vouloir assombrir les planches, on a parfois un peu de mal à saisir ce qui s’y passe. Et vu qu’Hannah Berry est assez économe en explications sur le mystère, le tout reste définitivement un peu opaque.

Et quand vient le moment du dénouement, on n’est pas sûr d’avoir bien tout compris des tenants et des aboutissants de l’histoire.

Mais qu’à cela ne tienne, grâce à elle, on aura fait une plongée dans un ouvrage où l’ambiance est d’un genre inattendu, et ça, c’est déjà suffisamment rare pour mériter notre respect.

Chronique par Yves