BD : Paris-New York, New York-Paris

Auteur : Raphaël DrommelschlagerEditeur : Casterman




L’idée a déjà été utilisée précédemment : raconter une même histoire selon plusieurs points de vue différents dans des récits successifs, chacun enrichissant le précédent et donnant une idée toujours plus précise de ce qui s’est réellement passé. Dans mon panthéon personnel, Berceuse Assassine (de Tome & Meyer, chez Dargaud) reste la référence incontournable du genre. Restait à voir si Paris-New-York, New-York Paris fait bonne figure.


La vie du jeune milliardaire Gaspard de Saint-Amand bascule le jour où il apprend qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau inopérable. Il lui reste tout au plus six mois à vivre. Alors, il plante tout et se retire loin du tumulte et des affaires. Il charge son bras droit Starkhan de mettre en place un stratagème qui lui permettra de se sentir proche une dernière fois d’Anna, son amour perdu. Pour ce faire, il devra compter sur son frère Mathieu, l’altermondialiste. Pour le convaincre de participer à la mise en scène, il lui fera cadeau des parts de son empire.

Visuellement, l’album est un bel objet. Drommelschlager utilise la ligne claire d’une façon très moderne. Chaque chapitre (un par point de vue) voit les teintes grises générales rehaussées d’une couleur unique : le bleu pour Gaspard, l’orange pour Anna et le vert pour Mathieu, ce qui donne un cachet indéniable aux planches. Mais le procédé de colorisation donne malheureusement un résultat très froid.
Certes, on est séduit par la finesse du trait et l’évident souci du détail graphique, mais l’intrigue échoue à convaincre totalement.
Pour faire court, disons qu’elle est un peu trop cousue de fils blancs et de clichés. Les personnages sont un peu trop typés pour être vraiment crédibles. On n’aime pas trop quand la voix off reflète les états d’âme des héros sans qu’on ait pu les ressentir naturellement par la narration. Ce serait un peu ça le défaut : au lieu de nous faire ressentir les choses, l’auteur est obligé de nous les écrire, ce qui, quelque part, traduit une certaine impuissance.

Alors au final, on est un peu partagés entre la beauté formelle et le caractère artificiel de l’ensemble. Et même si Paris-New York, New York-Paris fait passer un bon moment, il n’égale jamais Berceuse Assassine. La bande dessinée de Drommelschlager est une tentative honorable, au moins par sa précision, mais d’une modernité un peu trop glacée pour moi.

Chronique par Yves