BD : L’enfant maudit - T01 : Les Tondues

Auteurs : Monin et Galandon
Editeur : Bamboo (Grand Angle)



Avec L’Enfant Maudit, Monin et Galandon continuent de manière magistrale leur collaboration avec les éditions Bamboo.
Imaginez : une histoire qui débute sur les barricades de mai '68 et s’attaque presque aussitôt aux traumatismes de la guerre de '40 tout en effleurant le
thème du regroupement familial, c’est pas banal. Et c’est casse-gueule car il n’est pas évident de trouver le ton juste tant on a déjà tout dit sur ces sujets brûlants qui ont déchiré l’Europe et la France du XXe siècle. Ne tomber ni dans la lourdeur ni dans le ridicule est une réelle gageure.
Pour cela, le scénariste Laurent Galandon utilise sans doute le bon angle d’attaque : la quête personnelle, voire intime, de Gabriel, ouvrier qui se laisse guider au devant des CRS par une amie d’enfance. Face à un flic étonnamment bien informé sur le passé flou du jeune protagoniste, les blessures originelles jamais cicatrisées se réouvrent. Réminiscences cruelles de la guerre et de ses compromissions, ses morts, ses bébés abandonnés car nés de parents qui ne pouvaient assumer leur existence.
Point de pensum : les nombreux thèmes abordés ici ne servent que de toiles de fond à une quête initiatique qui se suffit à elle-même. Avec cependant, en pointillé, une réflexion sur le point de vue, très relatif, qui détermine qui sont les coupables et les victimes de la vie. La maestria des auteurs réside dans le fait qu’ils ne font pas un fromage de chaque sujet et préfèrent l’approche sensible des personnages, auxquels le lecteur s’attache tout naturellement.

Le dessin d’Arno Monin n’est pa
s en reste et sert parfaitement l’histoire. Son trait totalement maîtrisé, à la limite du caricatural, est à mi-chemin entre Les Aristochats et Ring Circus de Pedrosa et constitue un vrai régal pour les yeux. De plus, il a la grande intelligence de ne pas se laisser enfermer dans des cases riquiqui mais au contraire de se donner de l’espace quand c’est nécessaire, de permettre de la respiration dans un récit pourtant dense, au grand plaisir de l’amateur de belles illustrations. D'ailleurs, vu l’excellence du dessin, l'éditeur nous réserve un cahier graphique supplémentaire de 8 pages.

Evidemment, on pourrait sans doute trouver quelques défauts : les interventions de la pute ou de la nonne sur le chemin du héros vers la vérité semblent "cliché", par exemple, mais l’album m'a tellement enthousiasmé, tant par le fond que la forme, que j'en ai oublié vite fait ces quelques imperfections.


Gageons que le tome suivant sera de la même qualité et nous révèlera le devenir des infortunées "tondues", tout en nous éclairant sur les blessures d’enfance qu’on n'a encore fait qu’entrevoir.

Chronique par Yves

SECOND AVIS :
Sans être révolutionnaire, ce début de série se lit agréablement, annonçant une intrigue pleine de rebondissements. Toutefois la ressemblance avec le graphisme de Pedrosa est tel que c'en est gênant. D'autre part, certaines scènes sont, à ne pas douter, inspiréés de films. Les auteurs ont notamment dû visionner le superbe film Malena (de Giuseppe Tornatore, avec Monica Bellucci, en 2000) pour représenter la scène de bannissement des femmes ayant fricoté avec des soldats allemands.

Néanmoins, pour des nouveaux venus, Monin et Galandon font déjà preuve d'un sacré professionalisme, à défaut d'avoir déjà trouvé leur propre style et un moyen d'éviter les poncifs. L'histoire est très bien séquencée (hormis quelques phylactères difficiles à attribuer à tel ou tel personnage).

A suivre...

Chronique par Jean Alinea